Dans le cadre de la journée de lutte contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie de ce mercredi 17 mai, les élèves du collège de l’Isle d’Abeau ont été sensibilisés à la lutte contre la haine anti LGBT. Au cœur de cette manifestation programmée sur trois journées, les concerts de l’artiste Llimace.
Instaurée en 2019 au sein de l’éducation nationale, cette journée internationale fête ses 18 ans. La date du 17 mai n’a pas été choisie au hasard. Elle correspond à la décision de l’OMS de ne plus considérer l’homosexualité comme une maladie mentale, c’était le 17 mai 1990. Cette journée a pour but de développer l’information, l’éducation et la compréhension de la réalité LGBT. L’idée est de renforcer, à l’école comme dans la société, la lutte contre toutes formes de discrimination.
Lutte contre l’homophobie et la transphobie, acte II !
Valérie Lavigne est enseignante de français et de latin au collège Stephen Hawking. Également coordinatrice du parcours d'éducation à la santé et référente égalité filles-garçons, elle est pleinement investie dans cette mission : « J'organise, comme l'année dernière, une exposition sur l'homophobie et la transphobie. Je fais venir pour la première fois l'artiste non-binaire Llimace au collège les 15 et 16 mai pour un concert suivi d'une séance pédagogique à destination de toutes les classes de 5e (en lien avec leur chapitre d'EMC sur les discriminations), prolongé par un événement sonore le matin du 17 mai à destination de l'ensemble des élèves de l'établissement. Il s’agira de la diffusion d’une création musicale originale de Llimace à partir des phrases des élèves. »
C’est un soir de mai 2022, lors d’une soirée concert que le déclic a eu lieu. Valérie Lavigne témoigne, une pointe d’émotion dans la voix : « J’ai rencontré Llimace lors d’un concert l’an dernier, alors que nous venions de monter notre première action au collège pour marquer le 17 mai. Ses textes m’ont bouleversée, ils étaient extrêmement poétiques et puissants, je me suis dit c’est ce qu’il faut faire entendre aux élèves. Nous avons gardé le contact et plusieurs mois plus tard, le résultat est là. »
Como te llimace ?
Le nom de scène Llimace n’est pas à chercher dans une quelconque origine espagnole, c’est simplement l’anagramme du prénom de l’artiste. Camille Martin utilise son corps tel un instrument, joue de sa voix souple et de son phrasé rythmé proche du slam pour emmener ses auditeurs dans son univers musical envoutant. L’artiste exprime sa joie de faire face à des collégiens, « les bons interlocuteurs pour faire bouger les lignes », une rencontre enrichissante : « Travailler avec des enfants est différent car le public réagit moins et c’est toujours compliqué de savoir si on touche les gens. Je me dis qu’à leur âge j’aurais apprécié de rencontrer des personnes qui traitent de ces questions-là. Pour parler de discrimination on a besoin de faire de la pédagogie dès le plus jeune âge donc s’adresser à un jeune public me semble une bonne idée, cela permet d’éveiller les esprits le plus possible et guérir la peur et la haine LGBT Phobe. »
Lutte contre l’homophobie et la transphobie au collège Stephen Hawking, mode d’emploi
C’est dans le superbe amphithéâtre du collège nord isérois que l’artiste Llimace et Valérie Lavigne donnent rendez-vous ce lundi matin à deux classes de cinquième. Table de mixage, guitare acoustique, quelques élèves amusés, d'autres très concentrés, et c’est parti pour une heure de représentation…celles de personnages fictifs, comme Simon, enfant victime de harcèlement, ou encore l’évolution de Julie et Hafsa amoureuses dès le lycée qui doivent faire face au regard de l’administration et des familles. Au tour de Charlie d’intégrer le devant de la scène, Charlie qui ne se sent ni fille ni garçon, un sentiment flou, et c'est très bien comme ça. Vient ensuite l’histoire d’Aurora, une travailleuse très en colère car interpellée par son « deadname », le prénom qu’elle n’a pas choisi, avant que Nino ne vienne conclure l’ensemble de ces récits, en chanson, en l’occurrence celle qu’il a écrite pour son ami avec tous les pronoms neutres trouvés sur Internet. Des textes profonds auxquels Valérie Lavigne a contribué : « Les paroles de Llimace sont très poétiques et très subtiles, mais pour les rendre accessibles aux élèves nous avons co-écrit des textes qui mettent en scène des personnages fictifs permettant d’expliciter les situations rencontrées dans les chansons. » En effet, chaque texte est suivi d’une chanson où le talent musical de Llimace sublime le message évoqué.
Timides au début, les applaudissements sont nourris au final. Quelques mots glissés ici et là des collégiens saluent la prestation de l’artiste.
Après la pause de rigueur, les élèves retrouvent Camille et Madame Lavigne pour un temps d’échange autour du concert : « Ce sont de belles histoires, vous chantez bien, pourquoi vous appelez-vous Llimace ? Pourquoi le sujet choisi est LGBTQIA+ ? Vous êtes né garçon et vous vous sentez fille ? - Je ne me sens ni fille ni garçon, je suis hors de ça »
Puis les discussions tournent autour de l’identité de genre à partir des personnages du concert, avec une consigne bien précise formulée par Valérie Lavigne : « Quels messages aimeriez-vous adresser à ces jeunes victimes de discrimination s’ils étaient vos meilleurs amis ? Ou, si vous étiez à leur place, quelles sont les phrases que vous aimeriez entendre, qui vous feraient du bien ? » Sur la réserve au départ, les élèves sont encouragés à écrire « tout ce qui leur passe par la tête » puis les langues se délient et les stylos s'activent : « N'écoute pas les critiques. Je te comprends parce que c’est grave. Ça ne devrait pas se passer comme ça, sachez que je vous soutiens. Leurs critiques ne doivent pas t’impacter. L'amour n'a pas de sexe. Fais ce que tu veux de ta vie. Il faut agir, ce n'est pas juste, tu es comme les autres. »
S’ensuit une mise en voix par toute la classe de ces phrases, dans une « circle song » orchestrée par Camille où se glissent quelques petits pas de danse improvisés, avant qu’un questionnaire anonyme des plus pertinents sur l’intervention de Llimace ne vienne ponctuer cette séance.
Un bilan positif !
Artiste, enseignants élèves (il faudra reprendre les questionnaires et les analyser), ce projet semble faire l’unanimité. Madame Gouttenoire, principale du collège, en atteste : « Il s’inscrit dans le cadre des parcours d’éducation à la santé et citoyen. Nos professeurs sont très engagés dans les différents parcours éducatifs avec un axe culturel très fort au sein de l’établissement. Les parents également sont très impliqués dans la vie de cet établissement, ils soutiennent les projets que nous mettons en œuvre. » Madame la principale se projette sur les critères de réussite « quantifiables » dans une telle entreprise : « ils peuvent se mesurer à la fois en termes de climat scolaire, et à la fois en termes d’acquisition de compétences mesurables au niveau des examens, je pense particulièrement à l’ensemble des parcours éducatifs qui sont valorisés lors de l’oral du brevet. »
Valérie Lavigne, de son côté, nous confie sa joie d’avoir pu mener un tel projet : « Je suis très contente et fière que cette initiative ait pu aboutir, c’est un travail de longue haleine qui nous occupe depuis près d’un an Llimace et moi. C’est super de l’entendre chanter dans un collège !. »
Llimace souligne la symbolique puissante de vivre ce 17 mai dans un établissement scolaire : « Réaliser une sorte de happening dans l’enceinte un collège le jour de la lutte contre la transphobie et l’homophobie, je trouve que c’est un message assez fort. »
Le mot de la fin revient à la souriante Sandra Gouttenoire, très émue à l’issue de la représentation : « J’ai trouvé cela très fort, j’ai particulièrement apprécié la puissance du message, le tout dans la délicatesse, la justesse des textes par rapport au public concerné. Jai vraiment été touchée par la qualité artistique de Camille, j’ai trouvé sa voix extraordinaire et ses compétences musicales et techniques absolument remarquables. J’en profite pour encourager tous les établissements à s’engager dans ce type de projet, c’est absolument essentiel. Le plus important est, me semble-t-il, de délivrer des messages de bienveillance, d’attention et de soutien envers les autres. »
Mise à jour : mai 2023