Le vendredi 5 avril 2024, l'établissement a vécu une journée des plus inhabituelles. 

Dès 8 heures, en arrivant au collège, les élèves ont assisté à des scènes qui dépassaient tout ce qu'ils auraient pu imaginer : des gens, inconnus d'eux, habillés en bleu de travail, déchiraient des livres, les jetaient dans de grandes poubelles, les éparpillaient sur le sol et les piétinaient.

Stupéfaits et même horrifiés, nombreux d'entre eux, quand ils sont entrés en cours, ont exprimé leur mécontentement à leurs professeurs, qui les ont rejoints dans la même désapprobation. Les jeunes élèves n'étaient pas au bout de leur surprise ...

A 9h40, la voix de la CPE a résonné dans le collège, appelant tous les élèves à se rassembler dans la cour, avec leurs professeurs. Ils ont découvert alors la Principale, entourée de deux femmes très élégamment habillées, postées sur un tapis rouge, en haut des escaliers de la cour. Mme Campain, le visage tendu, a annoncé qu'"une délégation du Ministère de l’Éducation Nationale", était présente au collège pour annoncer "une grande nouvelle". C'est alors qu'une des deux femmes a commencé son discours, expliquant que le collège avait été choisi pour une "expérimentation" :  le passage au tout numérique et la suppression de tout support papier. Rappelant au passage tous les risques que comportent les outils numériques, au niveau de la santé physique et mentale, du respect de la vie privée, etc, elle a vanté aux élèves la "modernité" de ce mode d'apprentissage. Le silence était d'abord total dans l'assemblée, puis quelques murmures se sont fait entendre.

Au terme de ce discours, la sonnerie a retenti, marquant le début de la récréation. Durant celle-ci, de nombreux élèves, accompagnés de leurs professeurs, se sont alors massés dans le hall, criant à la femme en tailleur qu'ils étaient contre cette décision, qu'ils voulaient garder des livres au collège et ne pas s'abrutir en permanence devant des écrans. Sur des ardoises, on lisait : "Stop aux écrans !", "Rendez-nous nos livres !".

Après la récréation, les élèves sont retournés en cours. Et là, la contestation s'est poursuivie sous forme de débats, de réalisation d'affiches, tandis que des "brigades anti-livres" passaient dans les salles pour le "comptage" des livres. Les élèves exprimaient alors leur refus de cette mesure qu'on leur imposait sans leur demander leur avis. Parallèlement, des groupes de résistants affichaient dans tout le collège des pochoirs réalisés en Arts Plastiques, des caricatures sur les livres et les écrans, des slogans pro-livres.

A 12h15, deux classes de 4ème ont entamé une manifestation dans la cour, suivies par de très nombreux collégiens, révoltés par ce diktat du tout numérique. Puis les trois autres classes de 4ème leur ont emboité le pas. Ces collégiens ont présenté à leurs camarades des chorégraphies, en tenant des livres, ouverts, serrés contre eux, posés sur leur tête ou leur coeur, ainsi que des tableaux vivants, criant des slogans, comme "La dictature, c'est ferme ta gueule !".

Des questions, de plus en plus fréquentes, étaient posées aux professeurs présents dans la cour, au milieu des manifestations : "Est-ce que c'est vrai ? Est-ce qu'on est dans un  film ? Ils vont vraiment nous enlever tous les livres ?"

Face à l'inquiétude de certains élèves, voire leur tristesse, les adultes du collège ont rassuré, disant que les réponses viendraient au bon moment, et que l'important était leur questionnement sur ce qui comptait vraiment pour eux, ce pour quoi ils étaient prêts à dire non.

A 13h15, la CPE a de nouveau appelé tous les collégiens à se réunir dans la cour. La femme "du Ministère" a repris la parole, révélant que tout ce qui venait de se passer était une imposture, théâtrale, mise en scène par la Cie AL FONCE, avec les classes de 4ème et des adultes du collège, dans le cadre du dispositif "Artistes au collège", et en lien avec le roman de Ray Bradbury, Fahrenheit 451 (ateliers, spectacle ...).

La Principale a ensuite expliqué le sens et le but de cette imposture : faire réfléchir les collégiens sur la place de la lecture, des livres dans leur vie, alors qu'ils sont de plus en plus menacés par l'omniprésence des images et des écrans. Mais l'objectif de cette Folle Journée était aussi de faire prendre conscience aux jeunes élèves de l'importance de notre liberté d'expression, de pensée, et de la nécessité de résister quand elles sont menacées.

Durant la première heure de cours de l'après-midi, des échanges ont été menés dans les classes pour expliquer le sens de cette Folle Journée. Les artistes de la Cie AL FONCE et des élèves de 4ème sont passés dans les cours pour participer à ces retours d'expérience.

Les élèves du collège ont su montrer à tous les adultes à quel point ils peuvent se mobiliser, s'unir, pour défendre une cause qui leur tient à coeur. Une très belle leçon de citoyenneté !