3ème cérémonie de remise de diplômes au centre pénitentiaire de Grenoble-Varces

Ce mardi 12 décembre, et ce pour la troisième année consécutive, Madame Insel, rectrice de l’académie de Grenoble, se déplaçait au centre pénitentiaire de Grenoble-Varces à l’occasion de la cérémonie de remise de diplômes aux personnes détenues.

Ce mardi 12 décembre, et ce pour la troisième année consécutive, Madame Insel, rectrice de l’académie de Grenoble, se déplaçait au centre pénitentiaire de Grenoble-Varces à l’occasion de la cérémonie de remise de diplômes aux personnes détenues.

Sur les 42 lauréats de l’année scolaire 2022-2023, 18 auront reçu des mains de la première dame de l’académie leur précieux sésame : Diplôme d’études en langue française (DELF) niveau A1 et A2, Certificat d’aptitude professionnelle - Équipier polyvalent du Commerce (CAP EPC), ou encore Certificat de formation générale (CFG).

Des diplômes à la saveur particulière. Karine BLANC, professeur des écoles et responsable locale de l’enseignement au centre pénitentiaire de Grenoble-Varces nous dit pourquoi : « Souvent c’est leur premier diplôme… En prison, leur assiduité et leur investissement sont enfin reconnus. Ils ont réussi à mettre à profit ce temps de détention ce qui est une grande fierté pour eux. Très souvent, les détenus qui obtiennent un diplôme en détention ont eu un parcours scolaire chaotique.  L’école, pour beaucoup d’entre eux, était synonyme d’échec. Ce diplôme est une reconnaissance de leur investissement et des efforts consentis. Se réconcilier avec les apprentissages, réussir un diplôme est une grande fierté, ils ont enfin une image positive d’eux. »

« L’obtention d’un diplôme représente une marche vers la réinsertion sociale »

Ces propos sont ceux tenus par madame la rectrice à l’issue de la cérémonie. Une réinsertion sociale qui se traduit également par la mise en place de différents projets tout au long de l’année scolaire, tels que des concours d’écriture, la venue d’un planétarium itinérant au sein du centre pénitentiaire, des sorties au summum, des rencontres d’auteurs dans le cadre du printemps du livre ou la nuit de la lecture, la création d’un film d’animation avec le cinéma Le Mélies … 

Sur les quelques 350 personnes détenues que compte le centre pénitentiaire de Grenoble-Varces, 25% en moyenne suivent un enseignement, en majorité des personnes majeures mais également des mineurs.  Ainsi chaque semaine, le centre Grenoble-Varces offre la possibilité à 120 personnes détenues de suivre des apprentissages spécialisés (français, anglais, espagnol, histoire, géographie, lecture, écriture) ou de préparation aux diplômes DELF, CFG, CAP, Baccalauréat ou encore diplôme d’accès aux études universitaires.

Des enseignements rendus possibles grâce à l’investissement des 4 professeurs des écoles et quelques vacataires qui composent l’Unité locale d’Enseignement. L’ULE, où un premier pas vers la liberté…

« Un métier passionnant »

La remise de diplômes par Madame la rectrice fut l’occasion de rencontrer et interroger ces enseignants dévoués, dont Karine Blanc se fait la porte-parole. La professeure des écoles nous ouvre les portes de l’enseignement en milieu carcéral…

Vous êtes professeur dans un contexte spécial, comment appréhendez-vous vos missions ? Sans crainte particulière ?

Nous n’avons pas de crainte particulière. Enseigner en prison c’est avant tout s’adapter au profil particulier de nos élèves, à leur diversité (roulement, hétérogénéité des élèves …), et aux contraintes du milieu carcéral.  

D’ailleurs quelles sont vos missions, les mêmes que dans une classe  d'école ?

Nous devons faire face à la diversité et nous avons tous les niveaux : de l’illettrisme à l’enseignement supérieur, même si les détenus scolarisés ont globalement eu un parcours scolaire chaotique. Ils sont en majorité sans diplôme ni aucune qualification.

Comment gérer cette grande hétérogénéité ?

Nous organisons l’offre de formation par niveaux, mais même au sein d’un groupe, les besoins peuvent être encore très variés Dans un groupe-classe de 8 personnes, nous pouvons avoir 8 niveaux différents.  Nous essayons de nous adapter à la personne et individualisons très souvent notre travail, même si nous suivons les référentiels. Nous avons une grande liberté pédagogique qui nous permet de travailler en fonction des besoins de nos élèves. C’est passionnant !

Dans quel état d’esprit sont vos élèves quand ils viennent en classe ?

Venir à l’école en détention est souvent une bulle d’oxygène pour la majorité des détenus. Même si leur motivation au départ est d’obtenir des remises de peine, aller à l’école leur permet de sortir de leur solitude, d’être avec les autres, de s’aérer l’esprit et de reprendre confiance en eux. Le groupe est important, il y a souvent beaucoup d’entraide. Ils s’investissent vraiment dans les cours et les apprentissages.

Quelles difficultés rencontrez-vous ?

Le travail des enseignants consiste surtout à réussir à mobiliser les détenus. Le rapport au temps et à l’apprentissage en détention est particulier. En maison d’arrêt, les détenus sont souvent assujettis à des courtes peines ou des mandats de dépôt. Les personnes prévenues sont dans l’incertitude, elles ont généralement plein de problèmes en tête et ont des difficultés de concentration. Elles peuvent avoir du mal à se projeter dans un parcours de formation et ainsi s’impliquer parce qu’elles ont toujours dans l’idée qu’elles vont sortir vite.

Cela vous demande une grande capacité d’adaptation ?

Oui, effectivement, nous devons nous adapter également à la temporalité carcérale et au parcours du détenu. En maison d’arrêt, on travaille vraiment au jour le jour et  pas une journée ne ressemble à une autre.  Un élève qui était présent hier peut être parti demain et remplacé par un autre. D’une part, il faut assurer une continuité pour ceux qui restent, et d’autre part intégrer ceux qui arrivent à n’importe quel moment. C’est aussi ce qui fait la richesse de notre travail.

L’instabilité des groupes est aussi liée à la détention. On n’a jamais tous nos élèves pour diverses raisons :  le surveillant n’a pas pris le temps d’aller chercher un détenu, celui-ci n’était pas prêt à l’heure ou a refusé de descendre, il a un RDV (parloir, médical, …)

Nous devons également nous adapter aux tensions du quotidien. Un élève qui arrive n’est pas toujours en capacité de se mettre au travail : une mauvaise nouvelle, il n’a pas pu prendre sa douche, une dispute …

Une journée réussie, cela ressemble à quoi pour vous ?

Je ne sais pas ce que c’est une journée réussie mais aujourd'hui (ndlr lire mardi, jour de remise de diplômes) c’est une journée réussie.

En attestent les sourires à l’issue de la cérémonie…

 

 

Mise à jour : janvier 2024