“La lecture apporte à l'homme plénitude, le discours assurance et l'écriture exactitude.” (Francis Bacon). Laure Castell est notre maîtresse de cérémonie du quatrième épisode de notre série. Elle nous guide dans l’univers fabuleux du livre, de la lecture, et des écritures…
Livre, lecture, écritures, vaste programme. En quelques mots de quoi s’agit-il et que signifie conseiller académique dans ces domaines ?
Tout d'abord je précise que je suis enseignante, professeure de lettres dans un lycée, ce qui occupe les trois quarts de mon temps. Mon dernier quart, je le consacre à cette mission livre, lecture, écritures. Il s’agit donc d’accompagner les enseignants et les établissements dans des projets mais également la politique nationale pour laquelle il existe une forte volonté de développer le domaine du livre, de la lecture et des écritures.
Mon rôle consiste aussi à aider les établissements à réserver une offre pass Culture, à résoudre un problème administratif, instruire des dossiers de demande de financement, soutenir les collègues ou les établissements dans la mise en relation avec des auteurs. Il s’agit aussi de travailler avec les partenaires, c’est-à-dire les personnes qui organisent des manifestations autour de la lecture, et proposer des formations dans mon domaine, à savoir des formations autour de la rencontre d’un auteur, autour de la lecture à voix haute ou encore autour de la littérature.
Comment se traduisent vos actions auprès des enseignants et des élèves ?
Comme je vous le disais à l’instant, la forte volonté nationale se traduit par des actions d’envergure telles que le «Quart d'heure de lecture » déployé depuis 2018. Il s’agit d’un temps réservé à la lecture personnelle, de l'élémentaire au lycée, et cette action me semble très intéressante à développer. Il existe aussi deux dispositifs qui sont à souligner, le premier s’intitule « Les petits champions de la lecture », c'est un concours destiné à des élèves de l'élémentaire, niveau CM, et le deuxième dispositif vise des élèves du secondaire, c'est le concours « Si on lisait à voix haute » de la Grande Librairie. Il s’agit donc de deux formules autour de la lecture à voix haute qu'on accompagne en académie, en organisant les sélections pour les finalistes et les finales sur notre territoire.
Ensuite il existe des prix, qui de la même façon sont déployés au niveau national et déclinés dans notre académie, en étant accompagnés par la DAAC. Je pense au « Goncourt des lycéens » ou le « Prix fauve des lycéens » qui traite de la BD notamment. Un autre prix, lui porté par la région AURA, mérite d’être mis en avant, le «Prix littéraire des lycéens et des apprentis ». C’est une très belle initiative, les jeunes doivent élire la meilleure BD parmi une sélection de quatre BD, idem pour le meilleur livre parmi une sélection de de quatre livres également. C'est un moment fort, un très beau projet parce que les lycéens et les apprentis rencontrent un auteur de BD, un auteur ou une autrice de roman et travaillent sur leurs ouvrages. Il existe encore une multitude d’autres concours, des concours d'écriture, nationaux, locaux, je pourrais vous citer un autre, le concours « Dis mois dix mots » parce que c'est un concours de création artistique qui est collectif. C’est aussi l’aspect intéressant des concours et des prix car le plus souvent il s’agit d’un travail de collaboration, impliquant toute la classe.
Dans quelles mesures le livre, la lecture et les écritures permettent-elles de développer sa sensibilité, sa créativité et son esprit critique ?
Disons que la lecture est partagée par tous les élèves, elle touche un large panel, puisque de fait, de la maternelle au lycée, tout le monde lit. La lecture est donc un domaine quelque peu particulier qui invite à faire réfléchir le plus grand nombre et propose des moments d’évasion. Elle fait vraiment partie d'un outil commun qu'on doit développer. En ce sens, au travers de tous les projets menés, nous visons une approche sensible de la littérature qui justement permet de développer la créativité. Les rencontres ou le travail en ateliers avec des auteurs ont l'idée de faire produire des textes, de faire parler son cœur de lecteur, c’est quelque chose de très important pour nous.
Quelles sont les actions engagées dans l’académie pour inciter les élèves à aller à la rencontre du livre, de la lecture et des écritures ?
Dans les grands projets importants, il en existe un national : les résidences d'auteurs à l'école. Ce très joli projet permet à une école ou un établissement scolaire d'accueillir un auteur pendant 6 demi-journées. Actuellement, il y a une quarantaine d'écoles qui peut en bénéficier. On demande aux élèves de donner un avis, de dire ce que l'on a pensé de la lecture et cette rencontre, c'est un temps fort justement où ils prennent conscience de l’envers du décor. Derrière le livre, il y a quelqu'un qui a pensé et réfléchi à une histoire, à sa cohérence. C’est un moment très fort qui permet parfois de faire basculer les élèves, de faire en sorte qu’ils deviennent de vrais lecteurs. Dans le même registre, le « Prix des Incorruptibles », un prix de littérature jeunesse, permet lui aussi de rencontrer des auteurs.
Il existe aussi cette action soutenue par le ministère de la Culture et intitulée « Jeune en librairie ». Dans l'académie, elle est organisée par l'agence Auvergne Rhône-Alpes du livre. C'est une action qui vise à découvrir le livre sous toutes ses formes, le livre comme objet, avec un partenariat notamment qui s’établit entre une école et une librairie. Les élèves rencontrent le libraire, échangent autour de son métier, comprennent l'économie du livre et rencontre des professionnels du secteur, soit un illustrateur, un auteur et je trouve que c'est un très beau projet parce que, je vous disais tout à l’heure tout le monde lit, mais il n’y a pas que la grande littérature qui parfois fait peur, il y a aussi tout le modèle autour du livre, le livre sous toutes ses formes ; la BD, les mangas, les illustrés etc. C'est vraiment important de sensibiliser les élèves à toute cette économie du livre qui est vraiment importante en France.
S’il n’y avait qu’une action à retenir ?
Je dirais toutes les initiatives où les élèves rencontrent les acteurs du livre. Le fait d'avoir lu un livre et rencontrer notamment son auteur donnera du sens à leur lecture et peut constituer un vrai déclic.
Qu’apporte le livre, la lecture et les écritures au pass Culture et vice versa ?
Le pass Culture est un outil formidable qui permet, pour la part collective, de faciliter l'organisation de rencontre d'auteurs. Jusqu’à présent, il n’y avait pas vraiment de budget destiné à cela dans les établissements, c'était toujours compliqué. Avec cet outil, on a des auteurs référencés et un certain nombre d'actions qui sont mises en place, notamment avec le CNL (Centre national du livre), qui permettent d'organiser des rencontres d'auteur. Concernant la part individuelle, c'est assez intéressant de remarquer que les jeunes achètent massivement des livres, à 45 %, et pas que des mangas, donc vraiment le pass culture joue un rôle important dans la promotion du livre et de la lecture.
Le chef d’œuvre littéraire à connaître absolument ?
C’est compliqué … Je vais vous livrer les deux lectures qui m'ont marquée personnellement quand j'étais adolescente. La première, c'est la Promesse de l'aube de Romain Gary. Romain Gary s'inspire de sa propre vie et raconte son parcours, de Vilnius où il est né jusqu'à Nice où il a grandi. Il y a sa relation absolument folle avec sa mère, c'est un très beau parcours, très inspirant, une très belle connexion. C'est un livre à la fois drôle, fort et émouvant. La seconde lecture est son pendant féminin qui m'avait beaucoup marquée quand j'étais lycéenne, il s’agit de « Un Barrage contre le Pacifique » de Marguerite Duras. Là aussi, Marguerite Duras s'inspire de sa vie pour raconter l'itinéraire d'une jeune fille dans l'Indochine française, l’éveil à l'amour, à la sensualité, c'est un très beau livre, très fort également.
Dernière question, quel serait, en quelques mots, votre rêve professionnel ?
Mon rêve professionnel serait que tous les élèves puissent avoir accès à la culture, que les actions autour de la lecture se diffusent massivement dans tous les établissements scolaires, et permettent à tous de percevoir la richesse de la lecture.
Merci Laure Castell d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.
Mise à jour : avril 2024