Interview de Véronique - Professeur des écoles

Véronique Leveque, 55 ans native du Var, et passée par les États-Unis.

Véronique, , 55 ans native du Var, et passée par les États-Unis.

Véronique, pure varoise comme j’ai compris, comment se fait-il que tu sois enseignante dans la banlieue grenobloise ?

C’est une longue, très longue histoire (rires). Tout a commencé au Lavandou et à Bormes-les-Mimosas, mes premiers postes. Mon chéri part travailler à Paris et au bout de deux ans d’amour à distance, je demande une disponibilité pour le rejoindre. A Paris, pur hasard, je réponds à une annonce pour travailler à la cité des sciences et de l’industrie où je suis reçue par le directeur de service de la cité des enfants. Il était originaire de Marseille et avait suivi les mêmes études de sciences naturelles que moi. Le courant est forcément bien passé et il m’a recrutée dans son équipe en tant qu’attachée technique et scientifique, ça en jette non (rires) ? Deux mois après ma demande de disponibilité, me voilà donc avec un contrat de quatre ans, en route pour de nouvelles aventures.

Et au bout de quatre ans, tu arrives à Grenoble ?

Non ce serait trop simple (rires). Je suis restée trois ans à Paris car entre temps je suis tombée enceinte puis j’ai déménagé aux Etats-Unis, dans le Connecticut. Là-bas, je reste six ans. Je travaille comme intervenante en bibliothèque sur la culture française et je me fais embaucher chez Areva pour enseigner le français à des adultes, des américains de l’entreprise. Ce fut une expérience mitigée, ils étaient trop pointilleux sur les règles d’orthographe, ils me posaient des questions dont personne n’avait les réponses (rires). Bref, on était loin de mon poste de Professeur des écoles. Au bout de six ans aux Etats-Unis nous revenons en France à Aix-En-Provence pour deux ans, et finalement toute la famille arrive à Grenoble en 2010.

Où tu reprends ton poste de P.E ?

Pas dans l’immédiat, j’ai repris mon travail en 2014 et fus nommée dans une école en REP de la banlieue grenobloise. Pour être honnête, quand j’ai appris que c’était une école d’éducation prioritaire, j’ai fait des pieds et des mains pour en changer. Je n’avais aucune expérience dans ce milieu, contrairement à un collègue intéressé par le poste, J’ai donc écrit à courrier à l’inspection pour gentiment laisser ma place (rires). Évidemment cela me fut refusé. J’y suis allée, et n’en suis jamais repartie. Même si la première année a été très difficile, j’étais entourée d’une équipe très sympa, je n’étais pas loin de chez moi et finalement j’ai trouvé mon bonheur.

Pourquoi Professeur ? Une vocation, un rêve d'enfant ?

Pour moi c’était une sorte de vocation, et même si j’ai expérimenté d’autres activités, je suis toujours revenue à ce métier. Il y a aussi le fait que j’ai eu une fille qui était en très grande phobie scolaire, multi « dys », cela fût pour moi un révélateur, elle m’a appris une autre façon de voir l’enseignement.

C’est-à-dire ?

J’essaie d’être encore plus bienveillante que je ne l’ai jamais été. Ma priorité est d’avoir des enfants heureux de venir en classe, on a envie de venir à l’école, dans la joie et la bonne humeur. Je pense que c’est la base d’un apprentissage réussi, avoir envie d’apprendre.

Comment fait-on pour garder ce dynamisme ?

Il faut déjà que l’enseignant soit motivé. A 55 ans je le suis comme au premier jour car on travaille en petits effectifs, avec des collègues sympas, dans une bonne ambiance et parce qu’aussi j’ai fait tout autre chose pendant 15 ans.

Je considère également ma classe comme une scène de théâtre, moi qui adore ça depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours dit que mes enfants étaient mon meilleur public.

Être enseignant c’est être acteur ?

Ça c’est une bonne question (rires). Et ma réponse est très claire, oui. Un bon enseignant c’est un bon acteur et un bon réalisateur, c’est-à-dire qu’il va savoir mener sa troupe comme il le veut et surtout là où il veut.

Il y aurait un enseignant qui t’a marqué dans ta jeunesse, qui t’a inspiré ?

Oui, tout à fait, Monsieur Edmond Espitalier, mon maître de CP. Il portait un joli costume de velours bleu roi. J’ai eu la chance de me former à ses côtés, car avant d’intégrer l’école normale, j’étais remplaçante rattachée à l’école de mon village, j’ai ainsi pu apprendre et me régaler à ses côtés. Il avait une gestuelle incroyable et j’ai repris beaucoup de ses mimiques. Il y a énormément de choses que je lui dédie, c’est une certitude, il était extraordinaire.

Si tu étais ministre de l’Éducation nationale, quelle serait ta première mesure ?

Je maintiendrais la mesure mise en place concernant les classes à petits effectifs et je l’étendrais à l’ensemble des niveaux, car aujourd’hui nous avons en face de nous un public qui a énormément évolué, un public écran, réseaux sociaux, malbouffe, perturbateurs endocriniens… avec comme conséquence des enfants avec des troubles du comportement. Si on ne tient pas compte tout cela, on fonce droit dans le mur. Quand je vivais aux USA par exemple, il y a plus de 12 ans, j’avais demandé à venir observer les classes pour découvrir leurs méthodes de travail, et clairement ce n’était que des classes à faibles effectifs.

Autre chose, ce serait bien également d’avoir un meilleur accompagnement des professeurs, savoir exactement où s’adresser quand on a un problème et le régler rapidement.

As-tu un souvenir marquant de ta carrière ?

Des perles de maîtresse j’en ai plusieurs dont une marquante que je raconte tout le temps. J’étais avec des Ce2, on travaillait sur les aliments. Il fallait colorier en rouge ou vert selon qu’ils étaient d’origine animale ou d’origine végétale. J’avais dans la classe un élève un peu dans la lune, qui voit un dessin d’une bouteille de vin et demande : « Le vin, c’est de quelle couleur ? » J’en ai un autre avec un petit cheveu sur la langue qui lui répond : « le vin c’est rouge, blanc ou rosé. » S’en est suivi un fou rire pendant au moins dix minutes avec des enfants qui ne comprenaient pas pourquoi j’étais dans un tel état.

En réalité, des bons moments dans la classe j’en ai pléthore et ce que j’adore, c’est rire, rire avec mes élèves, je trouve que c’est porteur, une stimulation de folie pour eux.

En guise de conclusion que dirais-tu à un jeune qui veut devenir enseignant ?

Je lui dirais de ne pas se laisser impressionner par la hiérarchie, et là où on demande de la bienveillance avec les enfants, j’aimerais que ce soit pareil à notre égard, avec une forme de simplicité dans les rapports. Moi qui ai un peu de bouteille, je prends du recul mais un jeune peut être impressionné et c’est dommage.

Merci et belle année scolaire 2022/2023 pleine de belles réussites !

 

Mise à jour : octobre 2022