Ouvrir les portes du spectacle lyrique au plus grand nombre est l’un des objectifs majeurs de la Fabrique Opéra.
C’est à Grenoble, en 2006, que le directeur musical Patrick Souillot donne naissance à ce projet un peu fou. Ce dernier emprunte la machine à remonter le temps : « C’est une idée qui a longuement muri à partir d’un constat sur l’état de l’opéra en France avec une envie de partager la culture et d’y incorporer une dimension pédagogique. Tout ça fait qu’à un moment donné on s’est dit qu’il y avait peut-être une solution de réunir ensemble des amateurs, des professionnels, des musiciens, des techniciens, des artistes etc. »
Ainsi chaque année depuis 16 ans, sont revisités les opéras les plus connus avec l’excellence comme leitmotiv. Roméo et Juliette, Carmen, La Traviata, Nabucco, La Flûte enchantée, Aïda, Don Giovanni, West Side Story … auront résonné dans les cœurs et oreilles des heureux spectateurs grenoblois.
« Un terrain de jeu formidable pour agréger tous les talents et toutes les énergies d’un territoire »
Le chef d’orchestre grenoblois, récemment promu chevalier de l’ordre national du mérite, nous résume en quelques mots le principe de la Fabrique Opéra : « C’est le moyen d’amener des jeunes à découvrir l’opéra par le biais de leurs propres compétences en participant à un opéra coopératif. Ils en sont en même temps les réalisateurs et les créateurs. L’opéra est un lieu magique car nous avons besoin d’énormément de compétences diverses et variées. » Se côtoient alors des jeunes en formation, choristes, instrumentistes, solistes, bénévoles, techniciens, professionnels et amateurs, néophytes et spécialistes afin de proposer un opéra de qualité pour tous. Fiers de leurs réalisations, les élèves deviennent alors ambassadeurs de l’art lyrique…
Coup de Jeune
Adieu l’image d’un spectacle ouvert à une certaine classe d’âge, l’opéra devient accessible à tous. Patrick Souillot confirme : « Nous avons vraiment changé la physionomie des spectateurs habituels de l’opéra dont la moyenne d’âge actuelle est de 67 ans, tandis que chez nous c’est un public très familial dont la moyenne d’âge est autour de 45 ans. Il faut savoir aussi que 25% des gens qui viennent à la Fabrique Opéra n’ont jamais vu ni un concert classique, ni un opéra. »
On continue avec les chiffres. Il faut dire que le directeur musical de la Fabrique Opéra a le projet chevillé au corps et tient ses carnets ou plutôt ses partitions à jour : « Nous n’avons que des bons retours, tant de la part des jeunes qui ont participé (entre 8 et 10 000), et évidemment tous les enfants qui peuvent assister soit à des parcours opéra, soit à la répétition générale, à savoir plus de 30 000 élèves depuis la première année. »
La Fabrique opéra version 2022-2023
Cet opéra fédèrera au minimum 400 à 500 élèves, apprentis et étudiants issus d’établissements professionnels et techniques. Sont précisément concernés :
- Le lycée Argouges (Grenoble) pour les costumes
- L’Ecole & CFA Silvya Terrade (Grenoble) (école privée sous contrat) formation esthétique et coiffure, 22 cours J.Jaurès, 38000 Grenoble s’occupe des coiffures et du maquillage.
- L’IMT, institut des métiers et des techniques (Grenoble), campus de l’alternance, 10 rue Aimé Pupin, 38100 Grenoble : est en charge des décors
- Sup créa Grenoble, école de Design, 12 rue Ampère, 38000 Grenoble, Cémoi Bâtiment B 04 76 87 74 75 gère les projections et images de synthèse
- Le lycée Mounier (Grenoble) est chargé de l’organisation générale, accueil, ventre programmes, promotion
- Le lycée Aristide Bergès (Seyssinet-Pariset) gère la communication sur les réseaux sociaux
- L'École Malherbe (Grenoble) et l’école de musique de Saint-Ismier : chœurs d’enfants.
L’occasion est belle de mettre alors en lumière la qualité de la voie professionnelle, d’éveiller des vocations et contribuer à pérenniser un savoir-faire. Pendant six mois, les compétences de ces jeunes sont mobilisées pour la conception du spectacle, les rendant acteurs majeurs d’un projet d’excellence, les amenant à se dépasser et prendre confiance en leurs capacités. Peut-être la plus grande fierté du chef d’orchestre grenoblois : « Faire que les gens se surpassent dans un projet collectif et quand ils sortent de cette aventure, ils sont plus forts individuellement et ont vécu un truc extraordinaire. »
Grande première pour le chœur d’enfants !
Ce n’est pas un mais deux chœurs d’enfants qui officieront lors de la semaine de représentation. La raison est simple, pas de représentation deux soirs de suite pour une même cohorte d’enfants mineurs. Comme parfois en politique, c’est donc l’alternance qui prévaudra. Trêve de plaisanterie, Patrick Souillot recadre les débats. L’homme est heureux de cette participation des élèves de l’école Malherbe : « C’est la première année que des scolaires non spécialisés dans la musique font partie du chœur d’enfants. La partition est relativement simple, cela nous semblait opportun de les incorporer dans ce spectacle. »
C’est le vendredi 17 décembre à 9h00 que tout commence alors pour les jeunes élèves de l’école des quartiers sud de la ville de Grenoble. Ce jour-là, le chef d’orchestre a fait le déplacement en personne pour établir le contact, « une première rencontre non musicale pour présenter le projet, fixer nos attentes et les rassurer sur ce qu'ils vont vivre. »
L’essentiel des répétitions se fait alors tout au long du second trimestre à l’occasion des séances de musique mais également 3h pendant deux week-ends de février et mars. Un rythme de répétitions qui s’accélérera à compter du 26 mars, avant le saut dans le grand bain le 30 mars pour la grande répétition générale.
« Toucher un très large public »
La grande première aura lieu ensuite le 31/3 avant d’enchaîner les représentations les 1er,2 et 4 avril au Summum. Un choix de salle loin d’être anodin, puisque ce lieu de concert populaire est accessible au plus grand nombre.
Toujours dans le souci de démocratiser l’opéra, la répétition générale est ouverte au scolaire et personnes en situation de précarité moyennant 2 euros. De quoi faire découvrir l’opéra dès le plus jeune âge et pourquoi pas susciter des vocations ? Heure tardive oblige, vous pourrez alors entendre ci et là des ronflements en guise de chœurs pour les quelques enfants tombés dans les bras de Morphée avant ceux de Turandot.
Accessibilité au grand public encore et toujours, et puisque l’on évoque le nerf de la guerre, le prix des billets débute aux alentours des 20 euros. Comptez trois heures de représentation en moyenne, cela reste relativement abordable pour le plaisir des oreilles et des yeux. Effectivement, plaisir des yeux car cet opus 2022/2023, outre la beauté des décors, maquillages et costumes, sera l’occasion de projection d’images de synthèse.
Et puis quand on aime on ne compte pas parait-il…
La Fabrique Opéra fait des petits !
Patrcik Souillot ne doute pas de la réussite de ce futur projet. La preuve, La Fabrique Opéra se développe et c’est tant mieux. Ainsi depuis Grenoble la maison mère, le projet s’essaime désormais un peu partout sur le territoire avec pas moins de six déclinaisons nationales, de l’Occitanie à l’Oise, en passant par la Seine et Marne, le Loiret, la Bourgogne, sans oublier l'Alsace.
Un directeur musical qui se fixe comme règle « d’aimer le compositeur avec lequel il va jouer. » Aucun coup de cœur malgré tout parmi les seize éditions précédentes ? « Non, car cela voudrait dire que je préfère un compositeur à un autre donc celle que j’ai le plus aimé, c’est la prochaine. » L’homme manie la baguette mais aussi le verbe à merveille.
Avant de libérer le directeur musical pour retourner à ses partitions, nous lui avons demandé le souvenir qui l’avait marqué. Parmi tous ceux qui jalonnent ces 16 années, le directeur musical de la Fabrique Opéra en a retenu un témoignage poignant : « Il faut savoir que nous accueillons beaucoup de personnes en situation de précarité. C’était en 2010, l’année où nous jouions Don Giovanni, un homme SDF avait demandé à me voir après la répétition générale. J’avais rencontré une personne très émue, victime d’un accident de la vie, et qui venait de revivre un épisode passé. Il nous a remercié infiniment pour lui avoir offert un moment d’humanité. C’était extrêmement touchant. »
Corinne et Gilles Benizio à la baguette !
Nous avons longuement évoqué la forme, place au fond désormais. La mise en scène est signée par des professionnels du spectacle, bien connus du grand public et des amateurs de théâtre. Auteurs, compositeurs, interprètes, fondateurs de la compagnie Achille Tonic, Corinne et Gilles Benizio sont passés maîtres dans l’art de la réalisation. Déjà quatorze mises en scène à leur actif dont un certain « soldat rose » de Louis Chédid ou encore « King Arthur », « Les amoureux de Shakespeare », « La fille du régiment », « Platée »… Corinne et Gilles Benizio, cela ne vous rappelle rien ? Shirley et Dino, leur nom de scène est peut-être plus parlant. Gardez la poésie, la fantaisie, la grâce, l’humour décalé et naïf qui leur ressemble, et vous aurez un Turandot de Puccini tout à leur image.
Un opéra en trois actes dans lequel la princesse Turandot (prononcez à l’italienne Turandotte), fille imaginaire de l’empereur de Chine, dont la beauté n’a d’égal que la cruauté, n’épousera qu’un prince de sang royal ayant pu résoudre trois énigmes…Malheur aux vaincus, décapités pour la peine.
Le prince Calaf, en extase devant la princesse, saura-t-il résoudre les trois énigmes et faire succomber la belle princesse, tourneuse et tombeuse de tête ? Turandot tiendra-t-elle sa promesse d’épouser le prince ?
Réponses les 31 mars,1er, 2 et 4 avril. Turandot de Puccini à la sauce Shirley et Dino sous la direction musicale de Patrick Souillot. À ne rater sous aucun prétexte…
Plus d’informations sur la Fabrique Opéra
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Mise à jour : mars 2023