L’école Barbusse (38) rencontre son prestigieux parrain, le violoniste étoilé Nemanja Radulovic

« Gentil démon » ou encore « rock star du violon », les surnoms ne manquent pas pour qualifier le virtuose Nemanja Radulović. L’artiste franco-serbe était de passage à la MC2 mercredi 11 décembre, accompagné de son ensemble Double Sens, pour un concert envoutant. Mais pas seulement…

Parrain de l’école Henri Barbusse, pionnière du dispositif Orchestre à l’école, Nemanja Radulović n’a pas oublié de consacrer un peu de son précieux temps à « ses élèves ». En effet, en amont de son concert, la star internationale a pu écouter, jouer et échanger avec les CM1 et CM2 de l’école de Saint-Martin d’Hères, classée en Réseau d’éducation prioritaire. Un moment magique et inoubliable pour tous les violonistes en herbe, de ceux qui peuvent marquer une vie de musicien, une vie d’enfant surtout. 

Un parrain exceptionnel

Cheveux longs et chignon en étendard, baskets montantes d’une célèbre marque étoilée, le sourire rieur et l’humilité chevillée au corps, Nemanja Radulović diffuse, irrésistiblement, sa passion pour la musique. L’amour du violon est une maladie contagieuse à laquelle aucun vaccin ne résiste, le virus se transmet à toute la salle. Le public et les élèves sont conquis. Catherine Guillerme, directrice de l’école depuis 19 ans ne fait pas exception à la règle. Elle revient sur ce parrainage magique : « Notre projet d’orchestre à l’école, élaboré alors avec notre professeure de musique Mariannick Roux, remonte à presque 20 ans. En 2010, à la suite d’un reportage sur Arte, j’ai contacté Nemanja par mail pour lui demander s’il acceptait de devenir notre parrain officiel. On cherchait une étoile à suivre pour valoriser notre action et son parcours d’exilé pouvait faire écho à celui de nos élèves. Six mois plus tard, alors que je ne m’y attendais plus du tout, il m'écrivait qu’il serait honoré de répondre favorablement à notre demande ».

 « Les poly’sons de Barbusse »

Intitulé au départ « les violons de Barbusse », l’appellation (d'origine contrôlée) a évolué par la suite en « Poly’sons de Barbusse », plus inclusif peut-être, notamment pour le violoncelle et la contrebasse, instruments de la famille des cordes frottées, également enseignés à l’école.

Proposé aux élèves du CE2 au CM2, dans le cadre d‘une pratique d’ensemble, ce projet perdure et se développe grâce au partenariat renforcé avec la ville de Saint-Martin d’Hères et notamment son CRC (Conservatoire à rayonnement communal) Erik Satie. Les élèves jouent d’un instrument deux fois par semaine. Motivés et bichonnés par leurs professeurs, ils sont « boostés » ponctuellement par des rencontres avec leur parrain, même si sa renommée ne facilite pas toujours les choses :  « Nous avons déjà rencontré Nemanja à trois occasions, deux fois au sein de l’école et la dernière à Aix-les-Bains. Sa grande notoriété le rendant peu accessible, nous avons souvent redouté de ne plus pouvoir partager de temps avec lui. Après plusieurs années d’attente, des élèves ont de nouveau eu cette chance, avec la contribution du CRC Erik Satie et grâce à une remarquable collaboration avec la MC2 de Grenoble ».

Une opportunité qui doit surtout à Nemanja Radulović, artiste de talent mais humaniste avant tout. Catherine Guillerme confirme : « On dit de lui qu’il est une rock star du violon, c’est totalement ça, un artiste atypique. Au-delà de son talent exceptionnel, c’est surtout une personne empreinte d’humilité qui se met toujours à la portée des enfants et à leur écoute. Il a une très grande sensibilité vis-à-vis de nos élèves, qui n’ont pas toujours la vie facile ».

Et pour les aider à surmonter les tumultes de la vie, quoi de mieux que la musique ?

« La musique n’est pas là pour rendre intelligent, elle est l’intelligence » Albert Einstein

Bienfaits cognitifs, amélioration des compétences linguistiques, optimisation de la lecture, gestion du stress, apprentissage de la discipline, de la patience et la persévérance, vecteur d’apaisement des relations sociales, développement de l’estime de soi … sont autant de raisons de pratiquer la musique. Nemanja Radulović ne vous dira pas le contraire, lui dont l’instrument est son « meilleur ami » : « La musique a cette faculté, sans paroles, de te procurer des émotions qui te transportent. Moi ce fut avec le violon. Dès que j’ai joué pour la première fois, à l’âge de sept ans, j’ai adoré. J’ai remarqué aussi que je donnais de la joie aux gens, cela m’a incité à continuer. Il y a plein de choses que je peux raconter à mon violon, des joies, des peines, des émotions, mais lui, contrairement à un humain, il ne trahira jamais mes secrets ».

Catherine Guillerme accorde ses violons sur ceux du maître. En 19 ans de direction d’école, elle a vu les bienfaits de la pratique d’un instrument diffuser sur la vie de son établissement : « Depuis le projet Orchestre à l'école, le regard des parents a changé, il est devenu positif. Au début ils étaient peu nombreux à venir au spectacle, maintenant ils se déplacent beaucoup. Le climat scolaire a évolué bénéfiquement, il s’est apaisé, avec notamment un sentiment d’appartenance fort. C’est l’avantage de l’orchestre, il n’y a pas de compétition, il faut arriver en même temps à un but commun, tous ensemble ».

« Sortez les violons » !

C’est une fin d’après-midi d’exception qui attendait les CM de l’établissement ce mercredi 11 décembre. Après un voyage en transports en commun, les élèves sont accueillis en grande pompe à la MC2 par le directeur adjoint du conservatoire Grégory Orlarey, David Queyros, le maire de Saint-Martin d’Hères et Nathalie Penin, inspectrice de circonscription. Un dédale de couloirs conduit les élèves aux coulisses. Il faut se préparer pour jouer devant Nemanja : « C’est interdit normalement mais là on va être obligé de marcher avec son violon. Prenez vos instruments en position sécurité, pointe et archet vers le bas », conseillent Alice, Tarik et Brigitte, respectivement professeurs de violon, contrebasse et violoncelle.

Quelques pas pour atteindre cette scène grandiose où les grosses caisses patientent, nonchalamment, prêtes à libérer leurs sons puissants. L’échauffement débute et les notes s’envolent. Nemanja Radulović et ses musiciens font leur apparition. Le silence s’impose. Les élèves interprètent alors, avec justesse, plusieurs morceaux devant un public évidemment connaisseur et surtout enjoué. Le tonnerre d’applaudissements s’impose.

 « Là où est la musique, il n’y a pas de place pour le mal » (Miguel de Cervantès, Don Quichotte).

Cette citation pourrait coller parfaitement à Nemanja Radulović, tant il incarne à merveille la sensibilité musicale et la gentillesse. À l’image de cet instant, alors que les élèves s’apprêtent à regagner les coulisses, où l’artiste les invite à partager un morceau avec son ensemble… on accorde ses violons, on se met au diapason, et la magie de la musique opère.

Heureux d’être présent au milieu des enfants, le virtuose tient à les remercier : « Vous nous avez inspirés pour notre concert, on espère que l’on sera aussi bons que vous. J’étais déjà là il y a quelques années avec vos grandes sœurs et grands frères et je suis très touché d’avoir pu jouer avec vous. Vous faites ce qu’il y a de mieux au monde, jouer de la musique et ouvrir vos cœurs ».

Au tour des élèves de s’installer confortablement dans les fauteuils pour un moment privilégié, assister aux dernières répétitions du groupe, un concert privé en somme. « C’est des pros, ils sont vraiment trop forts », « Regarde comme il est sérieux quand il joue, il sait trop bien faire », « T’as vu ses cheveux comme ils bougent, moi aussi je peux faire pareil… » :  les enfants et le sens de l’observation.

Elizya, contrebassiste en herbe, profite d’une petite pause pour nous parler de sa passion récente : « J’adore jouer de la contrebasse avec l’orchestre même si ça m'arrive souvent de me tromper, alors je regarde les autres, à gauche et à droite et j’essaye de m'accorder avec eux. Quand je serai grande je veux faire de la musique mais je ne sais pas encore si ce sera de la contrebasse ». Yahia, violoncelliste, lui aussi sait très bien ce qu’il fera quand il sera grand : « J’aime tout dans la musique, le violoncelle c’est un bel instrument, j’aime bien quand je le touche. Ça me fait plaisir d’en jouer mais je préférerais être astronaute plus grand ». Un métier pas si éloigné de la musique, les deux vous rapprochent des étoiles…

L’orchestre joue à l'unisson dans le sillage de son chef Nemanja, qui, sans se départir de son éternel sourire, se lance dans un solo juste impossible. Les cordes virevoltent. Elles semblent heureuses, tout comme les enfants.

Battre la chamade

La répétition s’achève, les élèves s’approchent au premier rang pour un échange exclusif avec le grand maître et son ensemble :

« Comment tu fais pour jouer sans partition ?

Il connaît tout par cœur » répond à sa place, tout sourire, un membre de son orchestre. Nemanja tempère : « Ce sont des années d'apprentissage et plus on joue plus on retient. Quand j'entends la musique, je vois des notes, c’est comme des mathématiques dans ma tête, puis avec ces notes, je compose des mots.»

Vous préférez quel instrument entre violoncelle et contrebasse ?

Je trouve que le violoncelle est l’un des plus expressifs dans la famille des instruments à cordes, la contrebasse est belle aussi, elle donne du rythme ».

« Il sait jouer aussi du violoncelle, du piano, il est multi instruments, il pourrait tous nous remplacer » plaisantent les musiciens.  

« Il était comment ton premier violon ? Ton pays c’est la Serbie ? Ou as-tu joué ? Tu étais trop fort quand tu jouais … » Les questions et remarques auraient pu durer jusqu’au bout de la nuit.   

« Vous venez au concert ? invite Nemanja. C’est trop bien, on fera les photos et les autographes après ».  

Un concert inoubliable, de l’avis de tous.
Il est presque 22 heures, lorsque chacun regagne son domicile, les yeux brillants des émotions vécues. La nuit sera sereine, bercée des mélodies enchantées de Bach et Beethoven…
Oui, Nemanja Radulović est un artiste hors norme, un humaniste qui vit passionnément la musique, peu importe le public et le lieu, que ce soit à Berlin, Sydney, Rome, Pékin, Kyoto, Séoul, New-York ou à … Saint-Martin d’hères devant des enfants d’une dizaine d’années.

La musique adoucit les mœurs ou encore « elle est la langue des émotions » comme disait Kant. D’autant plus quand elle est sublimée par un grand maître. Et qu’il est  accompagné d’écoliers virtuoses…

 

Mise à jour : décembre 2024