Julie Nallet - Conseillère art contemporain, photographie, design, culture scientifique & technique

Rendez-vous avec Julie Nallet - Conseillère art contemporain, photographie, design, culture scientifique & technique

Déjà le dernier chapitre de notre série qui nous conduit dans les domaines riches et diversifiés de l’art contemporain, la photographie, le design,  la culture scientifique et technique.  Vaste programme qui n’effraie pas un seul instant Julie Nallet, notre guide en la matière…

Art contemporain, photographie design, culture scientifique et technique, vaste programme. En quelques mots, de quoi s’agit-il  et que signifie conseiller académique dans ces domaines ?

Il s'agit d'être toujours en relation avec des partenaires, à savoir des artistes et des structures culturelles en art contemporain, photo et design, mais également ces structures en culture scientifique que sont les centres de culture technique scientifique et industrielle, les CCSTI, présents chaque département. Notre travail à la DAAC consiste aussi à faire le lien avec les institutions, les conseils départementaux, la région et l'État afin d’élaborer des formations pour les enseignants et favoriser l'émergence de projet. C'est tout un écosystème qu'il faut essayer de faire interagir et permettre ainsi des communications les uns avec les autres afin que tout le monde se comprenne, avec toujours l'objectif in fine que ce soit l'élève qui en profite, sous forme de projets de qualité en Éducation artistique et culturelle, ce qui n’est pas une mince affaire.

Je précise qu’il est assez rare au sein des académies d'avoir une personne affiliée spécifiquement à l’art contemporain et à la culture scientifique, c'est un peu les aléas de la vie et puis les circonstances qui me permettent de coiffer cette double casquette mais c'est quand même particulièrement intéressant. Ce domaine est excessivement poreux avec les autres domaines, et permet de monter des projets en interdisciplinarité. Et là, d'avoir en plus la casquette culture scientifique, cela ouvre le champ des possibles. La culture et la pratique scientifiques sont rarement vus comme une culture or, dans les laboratoires, il y a plus en plus de philosophes, d'artistes qui viennent ajouter leur vision et aider les équipes de scientifiques à avancer dans leur projet de recherche.

C’est également une politique à l'échelle de l'Académie de favoriser et mettre en avant tout ce qui va relever des domaines des arts et des sciences.

Je conclus par ces quelques mots, il s'avère qu’au sein de l'Académie, on a une des rares scènes Arts-Sciences nationales avec notamment l'Hexagone de Meylan, on essaie aussi de promouvoir cet espace culturel.

Comment se traduit vos actions auprès des enseignants et des élèves ?

Les actions envers les enseignants relèvent surtout de la formation et la diffusion d'informations par le biais de notre site internet et de nos réseaux sociaux. De cette façon, on souhaite montrer qu'il existe énormément de sujets pouvant relier arts et sciences.

Dans quelles mesures l’art contemporain, la photo, le design, la culture scientifique et technique permettent-ils de développer sa sensibilité, sa créativité et son esprit critique ?

Forcément, face à une photographie, face à une œuvre d'art contemporaine, on peut s’interroger et puis développer une sensibilité. Ce que j'évoquais précédemment, il y a énormément d’artistes qui s’intéressent aux sciences, à des façons de voir le monde autrement et de poser question à travers leurs œuvres. Sur l’intelligence artificielle par exemple, c'est très prégnant, les artistes nous poussent à voir les choses différemment donc évidemment, pour les élèves, la sensibilité est vraiment portée à travers une œuvre.

L'esprit critique est inhérent à toute recherche scientifique et l’œuvre d'art développe notre esprit critique, tout est relié et c'est vraiment très intéressant.

Au sujet de la créativité, en sciences, on va expérimenter des nouveaux protocoles, des nouvelles façons de faire, de nouveaux objets… les artistes nous poussent à cette créativité.

J’aimerais également ajouter que cette pratique de l'art permet de développer la confiance en soi, l’empathie, la capacité de faire ensemble, l’ouverture sur le monde, ce sont des points très importants.

Quelles sont les actions engagées dans l’académie pour inciter les élèves à aller à la rencontre de l’art contemporain, de la photo, du design et de la culture scientifiques et technique ?

C'est toute notre politique à la DAAC qui consiste à créer du lien et pousser à ces actions, via les formations enseignants qui favorisent l’émergence de jolis projets au profit des élèves.

Nous sommes également ici pour établir le relais d'actions nationales. Cette année par exemple, il s’agit du le prix du livre scientifique, une espèce de Goncourt du livre scientifique. Et puis, j'évoquais l'Hexagone à Meylan, mais avec toutes les structures culturelles, on a énormément de projets.

S’il n’y avait qu’une action à retenir ?

C'est quelque peu difficile d'en mettre une en avant par rapport aux autres. Je pense à l'année dernière où on a connu une formation destinée aux enseignants sur le lien entre l'art contemporain et les glaciers, une façon d’aborder aussi la question écologique. Cela a débouché ensuite sur des projets dans les établissements avec Camille Llobet, une artiste très engagée qui exposait à l’Institut d’art contemporain et qui monte de nombreux projets avec les élèves, surtout en Haute-Savoie. Cette artiste aime créer des œuvres qui interpellent, avec de l’ambition, des choses, pardonnez-moi l’expression « élitaires », élitistes et populaires, un très bon crédo selon moi.  

Qu’apportent l'art contemporain, la photographie, le design, la culture scientifique et technique au pass Culture et vice versa ?

Concernant la part individuelle, les musées d'art contemporain sont très très souvent gratuits, il n’y a donc pas vraiment d'apport réel de la partie financière. En revanche, les structures existent et proposent énormément d’actions intéressantes.

Je trouve que l'art contemporain parle très souvent aux jeunes. Alors on pense immédiatement au street art parce que c'est accessible mais ce n’est pas tout... Il y a actuellement quelque chose de très jeune proposé par les réseaux sociaux, l’exposition de Julien Creuzet, un jeune artiste d'origine antillaise, au CNAC (Centre national d'art contemporain) de Grenoble, avec énormément de vidéos créées par de l’IA, une question sur les smartphones et sur leur utilisation. Les jeunes, même s’ils ne sont pas la cible, peuvent parfaitement s’interroger par rapport aux œuvres, sans culpabiliser. Ce n’est pas loin de leur propre usage, et de leur aspiration artistique.

En scientifique en revanche, le pass Culture permet d'avoir accès à des séances de FabLab et des outils facilités. Il permet aussi de s'inscrire à des stages de photographie avec des professionnels et de pouvoir acheter du matériel artistique, de la peinture ou des outils spécifiques.

Autre sujet intéressant, les visites ados qui sont de plus en plus proposées par les musées, et qui,elles, peuvent être payantes.

Concernant notre apport au pass Culture, on essaie de faire le relais et de pouvoir aller voir les structures en leur proposant de mettre ces actions en avant. C’est une question importante et donc on rentre souvent dans les réflexions des structures culturelles, voir comment elles peuvent s’ouvrir au grand public.

En culture scientifique je pense aussi à Grenoble cosmocité, la galerie Eureka ou la Turbine en Haute-Savoie qui ont vraiment des propositions et des visites accès jeunes. Cosmocité propose un escape game en salle immersive sur le thème des glaces et le climat, il s’agit de déterminer, entre copains par exemple, comment les glaces actuelles de l'Antarctique ont permis de comprendre et de relire le climat sur 800 000 ans.

Le chef d’œuvre de votre à connaitre absolument ?

Il est très difficile de choisir, je pense malgré tout à deux œuvres qui apparaissent sur un site avec un lien consultable, deux œuvres qui allient à la fois l'art contemporain, le design et les sciences. La première s’intitule Power of ten*, elle a été commandée par IBM à deux designers connus pour leurs chaises très confortables et industrialisées, les chaises Eames. Power of 10 est une vidéo de 9 minutes tournée en 1977, à une époque où les outils pour fabriquer des images n’étaient pas aussi développés. On y voit un couple qui pique-nique dans le Massachussetts sur le parking en face d’IBM, et toutes les 30 secondes on dézoome d’une puissance de 10, on monte jusqu'à l'univers puis on zoome et on redescend jusqu'à l'infiniment petit, au-delà de l'atome. C’est donc une façon de visualiser et de faire comprendre les différentes échelles du vivant avec ce regard de designer dans les années 70. La seconde œuvre qui retient mon attention est celle d’un couple d'artistes qui créé des réactions en chaîne. Cette œuvre s’intitule "Le cours des choses", elle est signée de David Fischli et David Weiss*. Il s’agit également d’une vidéo complètement déjantée diffusée pour la première fois en 1987, je l'ai souvent montrée à mes élèves et il n’y a plus un bruit dans la salle pendant tout le temps de la diffusion. C’est fait de bric et de broc, on voit des réactions en chaîne, une suite de catastrophes, fondées sur les bases des lois de la physique et de la chimie. C’est comme des jeux de Domino avec des répercussions. Il s’agit vraiment d'art contemporain avec des réactions scientifiques, ça s'enflamme, ça mousse …. ces deux vidéos sont hyper intéressantes.

Dernière question, quel serait, en quelques mot, votre rêve professionnel ?

Mon rêve professionnel serait de continuer à faire le même travail et permettre à tous les élèves de réaliser ce 100 % EAC, mais sous forme de projets. Souvent le 100 % EAC est compris comme une sortie une fois au cinéma, une autre au musée… Non, l’objectif est vraiment d’organiser des rencontres entre les élèves et les artistes, qu’ils se confrontent à leur vision du monde.

Merci Julie Nallet d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.

 

Mise à jour : avril 2024