« Les petits champions de la lecture » investissent l’école Lucie Aubrac-Grenoble : les mots justes

Grand jeu national de lecture à voix haute destiné aux élèves de CM, l’opération « Les petits champions de la lecture » utilise l’oralité pour développer le plaisir de lire.

Aventure collective, ce jeu permet de découvrir la littérature de jeunesse. Il développe également la compréhension de texte, la maîtrise de la langue, la concentration, l’aisance à l’oral, la découverte et le partage, s’inscrivant parfaitement dans l’Éducation artistique et culturelle (EAC) en contribuant à former des individus curieux, créatifs et confiants.
Ce n’est pas tout. Au-delà d’améliorer les compétences en lecture, « Les petits champions de la lecture » ont cette faculté de développer aussi des compétences psycho-sociales telles que l’esprit critique, l’écoute et le partage. Les élèves s’épanouissent ainsi dans l’art de vivre une aventure humaine enrichissante.
Sachant que les jeunes de 7 à 19 ans passent en moyenne 3h11 par jour devant les écrans contre seulement 19 minutes à lire (*étude 2024 IPSOS/Centre national du livre « Les jeunes Français et la lecture »), on comprend mieux l’intérêt de porter de tels projets.
Une initiative à laquelle prenait part ce jeudi 16 janvier les CM2 de l’école Lucie Aubrac, pour le début d’une belle aventure …

À vos livres, prêt, lisez !

Cette présentation de trois minutes à lire un extrait de roman au sein de la salle polyvalente de l’école est la première pierre du chemin menant jusqu’à Paris, plus précisément jusqu’à la finale nationale prévue le 25 juin sur la scène de la salle Richelieu à la Comédie-Française. La deuxième étape, pour être tout à fait précis. Isabelle Fiorino, Murielle Dizin et Clélia Faure, les trois enseignantes de CM2 impliquées dans ce projet nous disent pourquoi : « Du fait du nombre important d’élèves, nous avons organisé une première élection en classe. Chaque enfant avait droit à trois passages devant la classe entière. Les prestations gagnaient toujours en qualité et avant les vacances d’hiver, les élèves ont voté pour leurs représentants et nous voilà tous ensemble aujourd’hui pour vivre une sacrée expérience, que l’on soit participant ou spectateur ».
Avant d’envisager de rejoindre Paris, les deux élèves sélectionnés ce jour (une fille et un garçon) devront franchir l’obstacle de la finale départementale prévue entre le 8 février et le 30 mars et celui de la finale régionale programmée entre le 12 avril et le 21 mai 2025 au théâtre « Le ciel » à Lyon. Dans le meilleur des cas, le vainqueur -puisqu’il ne doit en rester qu’un- ferait alors parti des quatorze finalistes estampillés experts en lecture et amis des mots qui auront la chance de déclamer leur texte à voix-haute à la Comédie-Française. Ces derniers auront eu auparavant l’opportunité, en compagnie des élèves de leur classe respective, de rencontrer début juin quelques auteurs des ouvrages choisis.  

En cette fraîche matinée du 16 janvier, les 24 représentants de CM2 issus des classes de cycle 3 de l’école avaient donc chacun trois minutes pour convaincre un jury de spécialistes composés de huit membres triés sur le volet.  Qu’ils soient lecteur et comédien (Jean-Louis Chapelet, théâtre de l’Asphodèle), écrivaines (Lou Valse et Elisabeth Chabuel), étudiant (Valentin), bibliothécaire de la ville de Grenoble (Mikaël), anciens élèves sélectionnés aux finales régionales (Mouemina et Ayman), ou encore directrice de l’école (Anne Couturier-Petrasson), tous cultivent ce rapport particulier à la lecture et cet amour des mots.
Posture, regard, placement, intensité de la voix, articulation sont autant de critères pour départager les candidats, sans oublier de « mettre de l’émotion » selon l’ancien champion Ayman.

De Yaël Hassan à Daniel Penac, en passant par Alice Butaud ou Maxime Gillio et tant d’autres…

Les élèves ont une totale liberté dans le choix du livre à présenter mais ce n’est pas toujours si simple de se décider. Ils peuvent alors piocher dans une liste de ving-six romans présélectionnés dont les thématiques varient autour de l’histoire, l’imaginaire, l’humour, l’aventure, le policer, le récit de vie … Une sélection qui ne répond à aucun critère si ce n’est le coup de cœur, le plaisir de lire, les affinités et les désidératas des enfants. Dario par exemple a opté pour Romain NTamack « car je joue au rugby et j’aime beaucoup de joueurs» tandis que Mila a choisi le camembert volant, « parce que j’avais envie d’un livre un peu comique et en même temps, c’est le livre que ma sœur avait choisi elle aussi quand elle avait participé aux petits champions de lecture, ça ne lui avait pas porté chance et j’avais envie de réessayer avec ce livre ».
Les deux élèves nourrissent des ambitions et c’est bien normal, même s’ils ont bien retenu les conseils de leurs professeures : « On s’est beaucoup entrainés à la maison avec nos parents ou pendant les APC spéciales pour ce concours. On aimerait bien aller loin mais comme dit la maitresse, il faut s’amuser et prendre du bon temps ».
Un jeu impacté par un paramètre qui peut vous faire perdre tous vos moyens ou au contraire vous porter : le stress. L’ancienne championne Mouemina rassure les participants : « Assis dans la salle on est inquiet et quand on passe, c’est comme si on était tout seul, le trac disparaît ».
Dernier petit point de règlement, la lecture est précédée d’un bref résumé du livre afin de resituer le contexte et emmener plus facilement son auditoire dans son univers. Les élèves sont assis face au jury. La directrice de l’école et les enseignantes ramènent le calme puis assurent les présentations : « Voici les fidèles membres du jury. Ils auront la délicate mission de vous départager. Nous sommes désormais prêts pour écouter vos délicieuses lectures ».

L’ordre est aléatoire, classe 12 en premier, la 9 et puis la 8 pour terminer. Le hasard désigne Nathaël pour débuter : « Bonjour mon livre s’appelle L’île du Crâne, son auteur est Anthony Horowitz … »
La (jolie) prestation se termine. La salle est timide, on hésite sur la conduite à tenir et finalement, c’est une salve d’applaudissements méritée qui récompensera le jeune garçon ainsi que chaque candidat après sa lecture.

Au tour de Boutaina de prendre place face à l’assemblée. C’est une candidate un peu particulière puisqu’il s’agit de la sœur de Aymen, membre du jury. Aucun risque de conflit d’intérêt, le jeune homme s’en explique avec honnêteté : « Je ne l’ai pas évaluée car ce n’est pas juste pour les autres candidats. Elle a bien lu mais il y en a qui ont fait mieux. Je suis quand même très fier d’elle ».
Les candidats se succèdent, une fille alterne avec un garçon, tandis que les enseignantes distillent les derniers conseils : « N'oubliez pas qu’il faut parler fort et pas trop vite, on laisse le temps au jury de noter votre prénom et le titre du livre, on respire un bon coup et on démarre ».
Les élèves regagnent le public, heureux et soulagé d’en avoir terminé, certains fiers d’eux, d’autres un peu déçus de leur prestation. Les spectateurs tapent dans les mains, félicitent ou réconfortent : « Bravo t’as bien lu, c’était cool ».  On n’est pas copains pour rien.

10h15 sonne l’heure de la récréation, le moment de libérer cette somme d’énergie contenue. Puis c’est au tour de Jeanne, Eva, Lucien, Ada, Dawoud … de se présenter face aux jurys et leurs camarades. Chien pourri aux jeux olympiques, Emilie et le crayon magique, La tourneuse de vent, Anne Franck … certains romans sont plus difficiles à lire que d’autres. Des élèves ont choisi un passage avec des dialogues, cela offre l’occasion d’interpréter la scène. On marque une pause au cours de la lecture, le temps de capter son auditoire par le regard, et le charme opère. Tristan a l’honneur de ponctuer l’ensemble de ces prestations lors d’une superbe interprétation qui saura emporter le cœur du public. « Ce sera Nizar ou Tristan le vainqueur chez les garçons » nous glissera un élève en guise de pronostic.
Il est 11h20 lorsque les élèves regagnent leur classe, d’âpres discussions s‘engagent entre les membres du jury :
- J’ai bien aimé la lecture de Tristan et la façon dont il a présenté son livre, avec la lecture du quatrième de couverture. C’est juste dommage qu’il n’ait pas regardé la salle.
- J’ai bien apprécié la prestation de Zoé même si je trouve qu’au début elle parlait un peu trop doucement .

Finalement un vote à main levé vient clore les débats.
On garde le suspense quant aux lauréats, on vous glisse seulement cette petite remarque d’un membre du jury en guise de teaser : « Cette année, pour gagner, il fallait avoir un z dans son prénom »

“Lire haut, c'est s'affirmer à soi-même sa lecture”

Cette citation de Victor Hugo dans les Misérables était écrite pour tous les CM2 de l’école Lucie Aubrac tant leur investissement dans le projet est remarquable. Isabelle Fiorino le confirme. La maîtresse de la classe 8 se fait la porte-parole de ses camarades enseignantes, il faut dire que c’est une habituée du thème, et ce dès ses premières heures : « Je travaillais auparavant sur les concours d’éloquence et un jour j’ai vu le film « à voix haute – la force de la parole », cela fut une révélation pour moi.

Depuis, tous les ans, nous participons à ce concours. Il permet de travailler la lecture, de développer la confiance en soi et apprendre à parler devant un public. Ce projet implique vraiment tous les élèves de la classe et les progrès sont spectaculaires avec notamment des enfants qui lisaient très lentement en début d’année, ce qui n’est plus du tout le cas désormais ».
Des propos corroborés par Anne Couturier-Petrasson, la directrice : « Ce concours est magique car tous les enfants, sans exception, se prennent au jeu même ceux qui n'aiment pas la lecture. Ils progressent tous, font preuve de volonté et découvrent le plaisir de lire. Le second intérêt est qu’ils se prêtent leurs livres, cela permet de diversifier les lectures et aborder des thèmes différents ».
Et puis il y a un dernier avantage à ce challenge, sans doute le plus important : « Tous les ans, Isabelle (Fiorino) nous confectionne une brioche vraiment délicieuse (on confirme) et c’est aussi pour ça que l’on s’inscrit ».
Il ne pourrait y avoir meilleure raison….

Ne nous voilons pas la face, les chances d’accéder à la finale nationale de cette treizième édition sont assez minces. 5 770 classes inscrites l’année dernière, elles sont 7 947 issues de toute la France métropolitaine (mais aussi en Europe) à avoir rempli leurs bulletins de participation cette année. Comptez environ une grosse vingtaine d’élèves par classe, on vous laisse calculer le ratio pour finir dans les 14 finalistes… Peu importe, l’essentiel est ailleurs pour la maîtresse de la classe 8 : « Au-delà des élèves vainqueurs, je dirais que c’est surtout la classe la grande gagnante de ce concours car il crée du lien, du soutien et de la cohésion entre élèves. À chaque passage devant le groupe notamment, il y avait toujours des camarades pour faire des remarques positives et aider à s’améliorer. Les élèves ont fait énormément de progrès, nous sommes toutes très fières d’eux. Il y a même des CM1 non-inscrits au concours qui souhaitent participer. Le projet « Champions de lecture » tire toute l’école vers le haut et met des étoiles dans les yeux. Il rayonne même au-delà de la classe avec d’autres collègues de cycle 2 qui vont développer ce principe de lecture à voix haute, et surtout il rejoint des projets de bienveillance menés à l’école comme celui intitulé TEAL, tous épanoui à l’école, pour une bonne entente et des relations apaisées entre élèves mais aussi avec les adultes de l’école ».
Un projet porteur, on l’a bien compris, mais celui-ci n’est qu’une étape vers le bouquet final : « Ce travail sur l’oralisation sera poursuivi toute l’année et débouchera sur une pièce de théâtre qui sera présentée à toute l’école et aux parents d’élèves en fin d’année scolaire, dans la belle salle polyvalente du collège Champollion ».
Ainsi, les plus petits de l’école découvriront les retombées concrètes de ce concours et sauront d’autant mieux s’en emparer lorsque viendra leur tour de participer. Un effet boule de neige en somme !

La petite championne et le petit champion de lecture de l’école Lucie Aubrac sont…

Le jury fait le tour des trois classes de CM2 Faisant face aux élèves impatients, il coupe court au suspense : « Nous vous remercions pour la qualité de votre travail. Le choix a été compliqué. Les vainqueurs sont Zoé et Nizar ». Ces derniers représenteront fièrement leur école lors de la finale départementale prévue dans les deux prochains mois. Cela méritait bien une réaction des intéressés, en commençant par la souriante Zoé : « Je suis très contente d’avoir gagné. Quand je l’ai appris je n’en revenais pas, après j’ai réalisé que la suite serait peut-être encore pire car j’étais très stressée et j’espère que cela se passera bien pour nous deux. Je m’entraînais tous les soirs, souvent pendant les vacances et encore ce matin pendant la récréation, je me suis même exercée devant mes copines. On nous a donné un conseil pour gagner c’est de laisser du suspense, car le jury est attiré par le suspense ».

Nizar est lui très heureux : « Je suis très surpris d’avoir gagné et maintenant je vais essayer de travailler le mieux possible pour essayer d’aller jusqu’’à la finale régionale et peut-être nationale. Le secret pour gagner, c’est de choisir le bon livre et surtout le bon passage, mais aussi de bien s’entraîner.  C’est ce que j’ai fait à la maison, hier j’ai répété au moins plus de cinq fois et ensuite je suis allé dormir, vers 22H10 ».
Ça valait bien la peine de veiller un peu !

RDV est donc donné à la Comédie française ... Cela laisse encore un peu de temps pour se perfectionner davantage, ne faire plus qu’un avec le roman choisi et marcher dans les pas de celle qui aura donné son nom à l’école, Lucie Aubrac, auteure et femme d’exception, dont on louait sans cesse la facilité à « s’exprimer avec aisance et trouver les mots justes ».

« La lecture est une amitié » disait Marcel Proust.
Les CM2 de l’école Lucie Aubrac, dès lors, ne seront plus jamais seuls.

 

Mise à jour : février 2025