Questions - Réponses ! Jean-Laurent Blachier, conseiller technique sécurité

Jean-Laurent Blachier est conseiller technique sécurité responsable des Equipes mobiles de sécurité (EMS) au sein du rectorat de l’académie de Grenoble. Il nous ouvre les portes de cet univers où le dialogue a cette vertu de résoudre bien des situations.
Jean-Laurent Blachier est conseiller technique sécurité responsable des Equipes mobiles de sécurité (EMS) au sein du rectorat de l’académie de Grenoble. Il nous ouvre les portes de cet univers où le dialogue a cette vertu de résoudre bien des situations.
Vaste question, ma première mission est de conseiller le cabinet, Madame la rectrice sur tout ce qui est gestion de situation de crise de toute intensité. Je fais également l’interface entre le cabinet et les partenaires institutionnels : forces de l’ordre, magistrats, je crée du réseau, du lien. Je pilote effectivement l’équipe mobile de sécurité pour l’académie sur les cinq départements qui la constituent. Et enfin je copilote, avec le CTEVS Sylvain Poncet, la formation des personnels à la gestion de crise.
Un parcours atypique. J’ai derrière moi 25 ans de gendarmerie. J’ai commencé très jeune en tant que gendarme mobile, puis enquêteur départemental avant de devenir commandant d’unité, et de faire ce choix il y a quelques mois de poser ma retraite en tant que militaire et de rejoindre le ministère de l’Éducation nationale, avec peut-être la plus belle réussite pour moi, celle d’avoir été breveté cet été négociateur de crise par les cadres du GIGN. J’ai eu cet honneur-là et clairement ça vous change un homme. Je pense que j’ai tellement changé que j’ai fini par raccrocher pour embrasser cette nouvelle carrière dans ce nouveau ministère.
Aujourd’hui, l’équipe mobile sécurité c’est 12 collègues répartis sur les cinq départements. Ils portent des missions d’accompagnement des chefs d’établissements en cas de situation de crise ou dans le cadre des remontées « faits établissements » qui signalent tous les incidents qui peuvent se produire au quotidien. Ils sont également présents dans la sécurisation en renforçant les équipes, en sécurisant les conseils de discipline ou encore les entretiens entre les parents et les équipes éducatives. Ils s’occupent aussi de prévention comme l’accompagnement au PPMS et les exercices liés, les diagnostics de sécurité et les sensibilisations en classe.
Non, ce ne sont pas des ninjas. L’équipe mobile de sécurité, c’est de la médiation. En réalité leurs missions reposent sur leur capacité à communiquer.
Aujourd’hui mes douze collaborateurs sont douze hommes (j’espère bientôt des femmes) avec des profils quasiment identiques car onze sont des anciennes forces de sécurité intérieure et un seul est issu de l’Éducation nationale. À sa création en 2009, l’EMS avait vocation à avoir des profils vraiment mixtes, moitié forces de sécurité intérieure, moitié Éducation nationale. Cela s’est un peu perdu avec le temps mais on ambitionne, dans nos futurs projets, de retrouver un peu cet équilibre avec j’espère des femmes également, car elles ont toute leur place au sein de nos équipes.
Tout à fait, ils ne se substituent pas aux forces de l’ordre et n’ont pas vocation à intervenir physiquement. Par leur expertise et leur expérience, l’EMS doit amener des outils de gestion de crise via la communication. Je crois dur comme fer au dialogue et tant qu’il y a de la communication, il y a un espoir de résoudre la crise.
On a deux types d’action au sein des EMS, soit la saisine directe où les agents, dans le cadre de la veille permanente des « faits établissements » prennent connaissance d’incidents qui se déroulent au quotidien. À partir de là, ils vont prendre l’initiative de contacter le chef d’établissement, s’enquérir de son état de santé, écouter ce qu’il a à dire, voir comment il gère la situation et ensuite apporter des conseils, que ce soit d’accompagnement, dépôt de plainte, rédaction d’un article 40 etc. Ou alors, il y a la saisie indirecte, où le chef d’établissement ou alors la direction académique, suite à un besoin particulier, demande l’intervention des EMS au profit d’un établissement ciblé. En ce moment, nous développons en Isère une expérimentation d’audit sécurité sur 48 heures où l’équipe vient dans un établissement observer les process en place, que ce soit par rapport à Vigipirate, car nous sommes en urgence attentats, ou que ce soit par rapport aux fragilités de la périmétrie avec notamment un regard particulier sur l’itinéraire entre l’établissement et les zones de bus, car il se passe des choses aux abords de l’établissement. Peut-être que par notre observation et notre expertise, on peut apporter des solutions au chef d’établissement ou aux partenaires comme les communes et éviter des incidents, dans un souci de toujours protéger nos élèves.
Elle s’établit à différents niveaux. Personnellement j’ai la culture de la communication et je crée du lien avec les forces de sécurité intérieure (Police, Gendarmerie, Magistrats) que je rencontre dans l’ensemble des départements. C’est le premier point important car en tant qu’interface, j’ai besoin d’avoir moi-même ce lien. J’invite également mes collaborateurs de l’EMS à garder ce lien au niveau local avec les référents scolaires mis en place par les forces de l’ordre, qu’ils soient liés à la Police ou la Gendarmerie. Ces référents sont une porte d’entre entre nos services et les leurs, il est important que ce lien perdure et soit entretenu, voire créé s’il n’existe pas.
Le harcèlement scolaire, cause éminemment importante, est abordé dans le cadre de la sensibilisation lorsque les EMS se rendent au contact des élèves. Ils ne se substituent pas du tout aux référents harcèlements mais viennent sensibiliser les élèves sur différents points comme le rappel de la loi, les violences, le consentement, les violences sexuelles et sexistes, les harcèlement scolaire et le cyberharcèlement. Avec un prisme un peu plus « force de l’ordre, flic », ils évoquent avec les élèves le harcèlement et ses conséquences, les dangers du cyberharcèlement comme une photo postée de manière innocente sur un réseau social, qui peut s’enflammer et arriver à des choses dramatiques.
L’ancien gendarme que je suis vous dirait qu’une mission réussie c’est lorsque l’on rentre le soir chez soi en vie et qu’on embrasse ses enfants et son épouse. Ça ce sont 25 années derrière moi. Maintenant si je me rapproche de mon nouveau poste, je ferai le parallèle avec une casserole de lait. Il faut qu’elle bouille mais pas qu’elle déborde. Donc une journée réussie pour un conseiller technique sécurité, c’est lorsque toutes les crises du jour sont à minima éteintes ou à maxima contenues, là c’est une belle journée. C’est comme le lait sur le feu, on s’assure en permanence qu’il ne déborde pas.
Je vais revenir sur la communication. Encore une fois je suis persuadé que tant que l’on peut se parler, on peut éviter une crise et résoudre des problèmes. C’est là tout le sens qui m’anime dans mes missions, remettons du dialogue, de l’empathie, de l’écoute et ensemble, arrivons à trouver des solutions aux problèmes de tous.
On est au service des chefs d’établissements et des équipes éducatives, qu’ils n’hésitent pas à nous contacter. Ils ne sont pas seuls, c’est le vrai message à leur faire passer. À notre petit niveau, on peut leur apporter un soutien, des conseils, de l’accompagnement, de l’expertise. J’ajouterai que l’EMS est appelée à se développer, je souhaite de tout mon cœur conduire l’EMS à évoluer, à monter en compétence et accorder encore plus de services aux équipes.
Peut-être le jour où j’ai compris le lien qui existait entre la tonte de la pelouse et le plat d’épinards à midi, je pense que ce jour-là fut pour moi une révélation. J’ai arrêté de manger à la cantine le vendredi, jour de tonte du gazon.

"Questions-Réponses", une série de podcasts de l'académie de Grenoble qui mettent en lumière les métiers des Hommes et Femmes de l'académie à travers des interviews courtes et inspirantes.
Retrouvez les dans leur intégralité !
Mise à jour : février 2025