À peine question de puces ou micropuces, cœur de métier de l’entreprise ST Microélectronics en ce jour de finale académique, encore que … Éric Gerondeau (directeur su site), dans un discours de bienvenue, ne manquera pas de féliciter l’ensemble des finalistes pour leur « curiosité et volonté d’innover », tout en soulignant cette invention formidable, « cette petite bête », capable de bouleverser le quotidien de l’être humain : « Depuis trente ans, nous sommes ici pour fabriquer des puces qui ont révolutionné la façon dont on se déplace, on se soigne, on travaille et on se divertit ».
Appuyant ses propos avec l’exemple très parlant du smartphone, « le doudou de l’homme et la femme d’aujourd’hui », le scientifique se rappelle alors que « si la puce existe aujourd'hui, c’est grâce à des jeunes comme vous qui un jour ont eu des idées, ont eu envie de les développer et de les faire partager ». Une intervention ponctuée par ce clin d’œil à destination des un (petit peu) moins jeunes de l’assemblée : « Vous alimentez notre façon de voir les choses. Merci d'être là pour votre travail et vos idées. Rendez-vous dans 10 ans même jour, même heure, même lieu, en attendant, ne changez rien ! » Du changement, il n’en est pas non plus question dans les relations entre l’académie de Grenoble et l’entreprise internationale, comme le soulignait Myrtille Gardet dans une allocution témoignant de « l’impeccable collaboration entre les deux entités ». L’Inspectrice pédagogique régionale de Physique-Chimie tenait également à remercier « l’investissement sans compter des enseignants qui donnent aux élèves l’envie de continuer à s'investir et à réfléchir pour demain » avant de ponctuer son intervention par un message adressé aux collégiennes et collégiens : « Vous avez une chance inouïe d'être ici aujourd’hui, alors savourez cela ».
CGénial CQuoi, l’organisation CComment ?
Concours scientifique destiné aux collégiens et lycéens, CGénial contribue à l’enseignement des sciences et des techniques en récompensant des projets scientifiques innovants élaborés conjointement par des équipes composées d’élèves et d’enseignants. Ce challenge permet, outre l’acquisition du socle commun des connaissances, de susciter des vocations scientifiques et d’éveiller le goût pour des défis techniques.
Programmée dès 8 heures, l’arrivée sur le site de l’entreprise ST Microélectronics ne laisse que peu de place à la contemplation des lieux, cette ville dans la ville. Il faut préparer son stand pour recevoir le jury, composé de spécialistes des sciences, alliant chercheurs et pédagogues.
De 9 h15 à 10h30, les jurys accordent à chaque groupe 20 minutes pour présenter leur projet. Les trois élèves de l’équipe ont dix minutes de présentation, suivies de dix autres de questions/réponses pour convaincre le jury. Les enseignants, bien que tentés d’apporter leur concours, doivent savoir tenir leur langue et ne pas intervenir ni aider leurs protégés, sous peine de pénalité.
5 finalistes, 5 projets, 5 réussites
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AQUABRUMI : des colliers hydratants pour les personnes fragiles, un défi climatique au carrefour de de l’imagination et de la création (Collège Nelson Mandela à Pont de Claix - Isère)
C’est le premier stand que nous rencontrons une fois les portes du bâtiment franchies. Accompagnés de Jean-Claude, leur professeur de technologie, Elena, Lana, Bilel et Manon nous font part de leur stress quelques minutes avant de confronter les jurés. L’occasion aussi d’une grande répétition générale et de nous en dire un peu plus sur leur projet : « Nous avons voulu traiter thème de la santé et du bien-être, en y associant la canicule. Notre problématique est :
Comment modéliser une solution technique connectée pour rafraîchir les personnes isolées dépendantes pendant les canicules » ? Les enfants maitrisent parfaitement le projet : « Grace à l’Aquabrumi, la personne âgée dépendante et isolée pourra se rafraîchir dès qu’elle en aura besoin en actionnant un bouton, et si la température ambiante est trop haute ou le niveau du réservoir d’eau trop bas, l’interface programmable enverra un signal aux aides-soignants qui pourront aider cette personne et déclencher à distance le système ». Tellement évident. Pourquoi ne pas y avoir pensé avant ?
Les collégiens joignent le geste à la parole et la démonstration débute. Mince, un branchement mal assuré et l’eau s’écoule sur la carte électronique. Plus de peur que de mal, tout rentre dans l’ordre. Jean-Claude intervient pour prodiguer les derniers conseils et effectuer les derniers réglages. Ce dernier nous livre les clés de la réussite : « Après la partie conception il a fallu passer aux ateliers pratiques avec du câblage, de la conception assistée par ordinateur, de l’impression 3D, de la manipulation et de la programmation ». Pour un sacré résultat.
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TARA Océan : Ensemble scolaire Saint Louis à Crest (Drôme)
Noa, Brieuc, Clémence et leurs enseignantes ont les yeux qui pétillent quand ils évoquent leur rivière à l’origine du nom du département, Drôme, une des rares rivières françaises ouvertes à la pratique du Canoé toute l’année. C’est elle qui est au cœur de la problématique : « Est-ce que la rivière Drôme participe à la pollution des océans ?» Au programme, collecte, tri des déchets (avec une définition pointue au préalable des micro, mezzo, macro plastiques), analyse des résultats par un laboratoire, interprétation / lecture de graphiques sur la diversité des matériaux retrouvés, la catégorie des plastiques qui semble le plus impacter le site, les déchets les plus abondants (sans surprise : les mégots), la diversité des couleurs … avec un point commun avec le Tour de France : le jaune est le leader.
Avec des élèves si impliqués, la Drôme a de quoi couler des jours heureux…
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Plastique à la loupe du Collège La Moulinière à Domène (Isère)
À Domène, virevolte le Doménon, charmant ruisseau qui s’écoule jusqu’à la rivière Isère, dont les berges n’ont plus de secrets pour ses promeneurs. Mathéo, Noémie, Missie se sont donc naturellement intéressés également à la problématique de la pollution des cours d’eau. Une volonté résumée en quelques mots par les enseignantes de l’établissement : « Il s’agit d’un projet interdisciplinaire qui utilise les sciences participatives comme levier pour développer l’éco-citoyenneté et dont la problématique s’intitule :" Quels sont les impacts environnementaux de la pollution du plastique, comment limiter sa pollution ?" Nous souhaitions surtout une prise de conscience sur le fait que le plastique ne se recycle pas et leur donner à réfléchir sur une consommation responsable ».
Fiers, les élèves nous présentent leurs fabrications maison : « Ce sont des plastiques bio à partir de peau d’orange, de banane ou encore de fécules de pomme de terre, il a fallu les faire sécher sept jours. Ici ce sont des lingettes cellulosiques qui sont biodégradables contrairement aux lingettes plastiques. » Le résultat visuel et tactile est bluffant. Un projet débuté par la collecte de 8,7 kg de déchets plastiques sur les berges de l’Isère et qui se prolongera en Arts plastiques (discipline qui jamais aussi bien porté son nom) par la création de poissons de cette matière malléable. Interdisciplinarité quand tu nous tiens…
Avec les élèves doménois, les jours du pétrole sont comptés.
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Saint Chef Investigative Service (SCIS) du collège Frédéric Dard à Saint chef (Isère)
Le nom vous plonge déjà au cœur d’une enquête digne du FBI, voire d’un certain commissaire San Antonio. Nous n’en sommes pas loin. Une remarque qui fait sourire Évangéline, Robin et Sofia, nos détectives en herbe : « Pendant une sortie en vélo nous avons découvert une scène de crime ». Oh my god ! Les enseignants tempèrent : « C’est nous qui l’avions préparée. Le maire et les voisins étaient prévenus, il ne fallait pas faire peur à tout le village ». Retour au calme, le SCIS c’est du sérieux : « Dès cette découverte, nous nous sommes mis dans la peau de techniciens en identification criminelle. La victime semblait avoir été empoisonnée. On a procédé à de la recherche d’indices, des analyses toxicologiques envoyées dans un laboratoire de Bron, des comparaisons d’empreintes avec de la poudre. » Ajoutez-y le contexte historique, puisque cette scène de crime se déroule au pied du monument aux morts, et l’on se retrouve au cœur d’une enquête policière pluridisciplinaire mêlant Maths, Physique, SVT, EPS, Histoire et Français, avec notamment l’écriture d’une nouvelle dans le cadre du festival Sang pour Sang polar de Saint Chef, avec l'écrivain en résidence Simon François. Autant vous dire que tout le monde a adhéré au projet comme le confirme notre sympathique triplette d’adolescents : « On a adoré ce travail, c’était hyper motivant, on a mis des combinaisons et des gants, c’était trop réel !»
Il est beau le lavabo !
Oui vous avez bien compté, nous n’avons évoqué que quatre groupes. Le cinquième est le lauréat, le collège Marcel Mariotte à Saint Siméon de Bressieux avec son projet intitulé : Du lavabo à l’énergie.
En attendant le jury, les élèves répètent une dernière fois, concentrés. La pression monte… Madame Morin, professeur de SVT, rassure : « Tout va bien se passer, vous faîtes comme on a répété ».
Les adultes se présentent, et c’est parti : « Bonjour je suis Morgan, le fondateur du projet et le bricoleur. Bonjour je suis Sharlyne, directrice artistique et illustratrice et moi c’est Adam, l’esprit du groupe, le leader intellectuel. Nous sommes partis de cette question : Comment faire pour que l’électricité soit accessible à tous ? Et puis nous avons pensé à l’eau gaspillée dans un lavabo pour créer une énergie propre à prix abordable. Nous avons suivi la démarche Design (ndlr ou Design Thinking, approche de l’innovation centrée sur l’humain) pour affiner notre projet. » Les élèves enchaînent, joignant le geste à la parole : « Nous avons identifié des problèmes de résistance de dynamo, de fuite du robinet, le siphon qui freinait trop la vitesse de l’eau, nous avons donc mis un réducteur, ou encore la turbine dans la canalisation des éviers trop petite, donc on l’a déplacée à l'extérieur. » Le vocabulaire se veut pointu : « Alternateur, galet, bobine, atomes, … » Et de conclure la présentation de 8 minutes en se projetant sur l’avenir : « Nous souhaitons développer ce projet en réfléchissant à le rendre plus performant et pourquoi pas l’adapter aux gouttières du collège ? Il nous reste aussi à trouver des solutions pour augmenter d’avantage la pression de l’eau. »
Le jury, bienveillant mais pointu, interroge : « Vous avez une idée pour qu’il y ait moins de résistance à la dynamo ? Une turbine plus petite cela aurait été mieux ? Vous avez évalué la production électrique avec la démultiplication ? Et si des déchets passent dans le robinet, cela ne risque pas d’endommager le mécanisme ? Avez-vous estimé le coût pour l’appliquer dans une maison ? »
Il y a des colles parfois, mais des réponses surtout, même si des fois cela sent un peu l’improvisation. Bref tout le monde retombe sur ses pattes et le jury repart enchanté.
L’heure est au débriefing avec l’enseignante, car il faut faire encore mieux pour la session de l’après-midi : « Vous avez assuré. Simplement vous avez oublié de montrer les vidéos, ou êtes passés trop vite sur certains points ».
On papote et on refait le match, c’est aussi la pression qui retombe.
Sciences et conscience !
La première salve des évaluations laisse place à une animation autour de l’égalité fille-garçon via des jeux de carte « Timeline ». Il faut dire que Myrtille Gardet est également référente à l’égalité filles -garçons au sein de l’académie, de quoi joindre l’utile à … l’utile.
Le temps de la diffusion d’un film de présentation de ST en 180°, d’une pause déjeuner bien méritée, et la rotation du jury sur les autres stands reprend entre 13h30 et 14h45. Le moment de délibération du jury est consacré à une animation égalité fille/garçon « débat mouvant » avant ce moment tant attendu de proclamation des résultats et remise des récompenses.
Si l’on devait remettre notre prix à nous, celui du fair-play, on pencherait pour Robin, Sofia et Évangéline, nos collégiens de Saint-Chef, bienveillants et attentionnés envers les autres concurrents, tout au long de cette belle journée : « Ce n’est que du plaisir d’être ici et c’est hyper intéressant de parler avec les autres groupes. On aurait aimé gagner, mais on souhaite au vainqueur de bien tous nous représenter pour la finale à Paris ! »
Morgan, Sharlyne, Adam et Emilie Morin se chargeront donc de faire briller leurs pairs, le collège Marcel Mariotte et l’académie de Grenoble fin mai 2025 à la Cité des sciences. L’heure de diffuser « du lavabo à l’énergie » sur le plan national et sur la scène européenne. Et un jour peut-être, grâce à notre équipe de choc, le lavabo sera aussi une centrale électrique.
Mise à jour : mai 2025