Finale régionale des WorldSkills de l’imprimerie :  Le lycée Argouges en mode haute résolution !

La 48ème compétition nationale des métiers aura lieu à Marseille du 16 au 18 octobre 2025. Parmi les 69 professions en compétition, l’imprimerie est l’un des dix thèmes retenus dans la catégorie « Métiers de la communication et du numérique ».

Une route vers Marseille qui passait, jeudi 30 janvier, par Grenoble et le Lycée Argouges pour les quatre sélectionnés de la région AURA, venus des académies de Clermont-Ferrand et Grenoble.
Quatre concurrents sur la ligne de départ, mais au final, une ou un seul verra les bords de la Méditerranée…

Les dignes successeurs de Johannes Guttenberg…

Format A0, assemblage, bichromie, blanchet, canvas, détourage … le lexique lié à l’imprimerie s’est enrichi depuis un certain Guttenberg. Que l’on ne s’y méprenne pas, l’imprimerie est un métier moderne, même si l’invention remonte à 1450. Exit les scribes qui passaient leurs journées à recopier des œuvres à la main, le savoir se diffusera désormais plus rapidement et à moindre coût…

Un métier d’imprimeur en perpétuelle évolution qui se diversifie avec les techniques et technologies actuelles. Il ouvre sur de nombreux champs d’application comme la production de livres, journaux, cartes de visite, affiches ou publicités et ce, selon divers procédés d'impression : offset, flexographie, héliogravure.

Savoir effectuer les réglages et conduire une machine d’impression, procéder à l’encrage, veiller à la tension du support, vérifier la qualité et la conformité du travail par rapport à la commande sont désormais autant de compétences différentes requises pour pratiquer ce métier.  

Charge au jury, composé de représentants de la profession ainsi que d’émissaires de la région Auvergne Rhône-Alpes Orientation, d’apprécier le travail de l’ensemble des compétiteurs. Une grille d’évaluation est mise à disposition des candidats, où l’on retiendra une parité entre les critères (qualité et quantité, gestion du temps, hygiène-sécurité et attitudes de travail) et les process (impression offset, impression numérique, tâches annexes) pour une note maximale de 100 points.

Une organisation réglée comme une imprimante offset

C’est à 8h00 que Célia, Killian, Angelo et Jules arrivent dans la salle des machines. Quatre candidats pour quatre épreuves, la rotation n’en est que plus simplifiée. Après vérification des tenues, notamment des combinaisons et chaussures de sécurité de rigueur, la distribution des sujets peut débuter. Au préalable, un temps de rencontre primordial avec les machines est programmé, question de feeling (une facilitée pour Célia et Angelo, les deux régionaux de l’étape scolarisés au sein du lycée Argouges), puis s’en suit le tirage au sort, déterminant le planning des passages.

9h00 sonne le début des quatre épreuves : recherche de teintes, coupe au massicot, impression numérique et épreuve technique sur machine d'impression 4 couleurs. Des épreuves entrecoupées du nettoyage approfondi des machines, condition sine qua none d’équité. C’est une des nombreuses missions qui incombe à Daniel Naud, enseignant au lycée, membre du jury et chef d'atelier, qui veille au bon déroulement des épreuves. Il nous éclaire dans ce monde mystérieux des WorldSkills de l’imprimerie. Petite précision, Daniel Naud est accessoirement MOF (meilleur ouvrier de France) 2004, autant vous dire qu’il sait exactement de quoi il parle : « La compétition se décompose en quatre épreuves, deux d’impression, offset et numérique, une de coupe au massicot et l’autre de recherche de teinte. Les deux premières sont notées sur 30, les deux autres sur 20. Concernant l’impression offset il s’agit d’un tirage en quadrichromie (noir, cien, magenta et jaune). Le candidat dispose de 1500 feuilles, il doit en imprimer le plus possible tout en évitant le gaspillage. La clé, ici, est la méthodologie. C’est l’épreuve la plus stressante alors il vaut mieux être très précis. L’épreuve d’impression numérique consiste à imprimer une brochure complète de 24 pages à partir d’un fichier PDF en respectant les types de papier définis, le recto-verso, puis agrafer le tout. Cela demande une méthodologie rigoureuse avec des process à respecter et la maitrise de quelques notions de prépresse». L’enseignant des BTS poursuit sur sa lancée : « Comme son nom l’indique, dans l’épreuve de recherche de teinte les élèves disposent d’un nuancier et ils doivent composer une couleur qui se rapproche le plus possible de celle définie. Enfin, lors de l’épreuve du massicot, les candidats doivent découper un tirage imprimé de 200 feuilles comprenant des cartes postales, des flyers, marque-page à la taille imposée. Ici le programme du plan de coupe est extrêmement important, il faut se baser sur un des angles qui sera la base du travail ». L’ancien MOF conte son métier avec passion, il nous glisse le secret de la réussite, «Du calme et de la volonté car ces épreuves sont limitées dans le temps avec une certaine pression, mais c’est exactement ce qui se passe en entreprise avec des clients ».

Équité toujours, les travaux sont anonymisés au fur et à mesure de leur production. De leur côté, les jurés n’ont de contacts avec les compétiteurs qu’au moment des pauses. Equipés de fiches de notations, ils jugent les méthodes avec une objectivité optimale et attribuent également des points pour l’attitude au travail, comme la gestion du stress, le comportement, la stratégie et la méthodologie. Jurés mais en aucun cas « inquisiteur » puisque l’organisation attend d’eux « une attitude irréprochable, une objectivité dans la notation, de la bienveillance vis à vis de tous les candidats, et de la solidarité face à d’éventuels problèmes techniques ».

Bienveillance !

C’est un peu le maître mot et le ressenti qui règne en entrant au sein des ateliers du lycée Argouges. Les candidats sont encouragés et soutenus de tous. À l’image de Madame la rectrice venue assister à une partie des épreuves. Après avoir fait le tour des ateliers, la première dame de l’académie laisse les compétiteurs à leurs tâches et engage la discussion avec Mathias, Alexia, Léa et Sidonie en Terminale RPIP (Réalisation de produits imprimés et pluri média) : « Notre filière a l’avantage d’offrir beaucoup de débouchés avec énormément de petits métiers, notamment dans le domaine artistique. La sérigraphie, c’est un peu notre domaine préféré. Nous avons eu la possibilité de découvrir toutes les expériences proposées par le bac pro avec des supers stages dans des entreprises très sympas, c’est très riche. » L’alternance et l’orientation sont aussi au programme des échanges où certains ont une idée assez claire de leur vie après le bac, à l’image de Sidonie : « Je préfère manipuler, je ne veux pas rester assise devant mon ordinateur toute la journée ». Et Madame la rectrice de conclure cet échange an rappelant « les nombreuses passerelles existantes entre les filières ».

Les quatre lycéens nous expliquent ensuite le pourquoi de leur présence ici : « Notre rôle est d’accompagner les visiteurs sur toute la journée et leur détailler les épreuves, leur montrer comment fonctionne la filière, les débouchés par la suite. On fait également un peu de sérigraphie avec des tote bag qu’on leur offre, on est un peu comme des animateurs ou des supers ambassadeurs de la filière ».

Des super ambassadeurs ravis de voir cette prestigieuse épreuve se dérouler dans leur établissement : « C’est super d’avoir cette compétition au sein de notre lycée, cela permet de découvrir certaines choses que l’on ne voit pas en cours et bien connaître le bac pro. C’est aussi l’occasion de faire connaître notre filière car encore beaucoup de personnes ne la connaissent pas, je trouve ça très sympa ». Cécile Favre Petit Mermet, responsable Bureau des Entreprises confirme les propos de ses protégés : « C’est un véritable évènement dans notre lycée ces compétitions WoldSkills, nous les préparons depuis plusieurs mois. La venue de Madame la rectrice et des différents professionnels est très importante, c’est une belle vitrine pour la filière et l’établissement ». Et la pédagogue de louer ce beau métier tourné vers l’avenir : « L’imprimerie est à mettre en valeur, au même titre que tous les autres secteurs qui ont chacun leur spécificité. On y retrouve beaucoup de mixité avec deux options proposées, graphique et impression, dont les débouchés sont variés dans différents domaines comme l’imprimerie traditionnelle, le design, le graphisme et le secteur de la communication. Avec toutes les évolutions numériques, la présence de l’IA dans les créations graphiques, l’imprimerie est à la pointe de la modernité ».

Retour aux épreuves : « Il reste 20 minutes avant la prochaine rotation ». On ose demander un pronostic à Mathias, enjoué : « C’est dur à dire, tous les candidats sont très concentrés. Il faut regarder le visage des jurés pour savoir si l’épreuve se passe bien, c’est un bon indicateur ».

Solidarité !

15h00, les épreuves se terminent. Les candidats se regroupent dans une petite salle et débriefent : « Je suis plutôt content de moi, j’ai réussi là où je m'y attendais le moins et un peu moins sur mes épreuves préférées, c’est le jeu, que le meilleur gagne » confie, fair-play, Angélo. Jules, inscrit sur le tard, savoure déjà sa présence ici : « Je suis content d’avoir participé, même si j’aurais pu mieux faire. J’ai beaucoup appris en venant ici, c’est déjà bénéfique ». Dans la même lignée, Célia ne boude pas son plaisir : « Je suis très heureuse d'avoir participé à ce concours. Je sais que je manque expérience mais pour une première fois, je suis contente de moi. J’ai fait des erreurs, je vais essayer d’apprendre de celles-ci ». Kyllian est certainement le plus déçu des quatre. Il faut dire qu’il a déjà remporté le titre national pour la région Grand Est et à l’habitude de cette épreuve : « Je n’ai pas pu participer aux mondiaux  faute d’épreuve programmée, alors j’ai tenté ma chance cette année. Je travaille à Clermont-Ferrand, je n’ai pas pu m’entraîner comme je l’aurais souhaité. J’aurais pu mieux faire avec la coloration sur la presse offset, j’ai perdu du temps au massicot et je n’ai pas fini les deux dernières coupes, oui, je suis déçu ». Sauf que la solidarité est aussi un des maîtres-mots des imprimeurs, « On est toujours déçu après un concours, c’est normal », tentent de rassurer les camarades. Kylian apprécie : « C’est vrai qu’il y a une solidarité entre nous. L’imprimerie est un métier que personne ne connaît qui requiert des compétences très pointues. Nous qui sommes ici le savons très bien, alors ce concours crée des liens, sans aucune concurrence, c’est aussi pour cela qu’on est là ». Et puis une participation à un concours de WoldSkills, c’est une belle ligne à ajouter à son CV, « C’est toujours un plus, cela veut surtout dire que tu as la gnaque» confirme Célia.

Et le lauréat est …

16h15 et toujours aucune nouvelle du jury, « Ça va se jouer dans un mouchoir de poche, c’est très serré » nous glisse Hervé Drapié, président, affairé à mesurer les dimensions d’une carte postale. Celui-ci prend malgré tout le temps de saluer les enseignants « dont l’engagement au service de leurs filières est exceptionnel ».

Les organisateurs préparent l’aire de réception. C’est un bon signe. L’ensemble des acteurs de la journée est invité à se rassembler autour de Hervé Drapié et Alix Gavoille, cheffe de projet WorldSkills pour la région AURA : « Ce fut une très belle journée, merci à l'établissement et à l’ensemble des collaborateurs qui ont fait de cet évènement une réussite. Merci à ces jeunes motivés qui ont pris du plaisir à faire cette compétition. Bravo à tous les quatre, bravo d'avoir osé ce défi. La médaille de bronze est attribuée à Célia ». La jeune fille se présente, fond en larmes, un peu de déception et beaucoup de joie, surtout la libération des émotions contenues : « Ne pleure pas Célia, tu es la seule fille aujourd’hui, tu as le courage de te présenter, pour une première tu peux vraiment être fière de toi » la réconfortera une enseignante.

On enchaîne : « La médaille d’argent est attribuée à Kylian et la médaille d’or à … Angélo ». Le grenoblois, ému, embrasse sa médaille : « Je pense à toutes les personnes qui m’ont aidé à comprendre chaque jour un peu plus ce magnifique métier, tous mes professeurs, tous mes mentors, c’est une grande fierté de pouvoir gagner cette compétition. Mes professeurs m’ont réellement tout appris, surtout dans ce lycée, cela fait maintenant 5 ans que j’y suis (Ndlr 3ans Bac pro et 2ans BTS) et sans eux je n’aurais jamais pris gout ni à l’imprimerie, ni à l’effort. Gagner la finale régionale c’est super, maintenant on va essayer de gagner la finale nationale ».

 

Bonne idée, droit au but vers Marseille !

Vous vous souvenez tout à l’heure lorsqu’on parlait de solidarité. En voici un bel exemple qui résume à lui seul l’esprit de cette compétition. Dans un coin isolé, on surprend Kylian à conseiller son successeur Angelo : « Prends du plaisir, kiffe et entraîne-toi un max. Tu verras les journées cohésion entre tous les champions de régions, c’est top, tu vas connaitre plein de monde, tu vas vivre de supers moments » !

Une journée intense qui trouvera son dénouement autour d’une petite collation pour remercier et récompenser l’ensemble des protagonistes, un 30 janvier résumé parfaitement par le jury de l’épreuve, « Une aventure humaine formidable pour tous » !

Une aventure qui se poursuit donc pour Angelo, fier représentant de l’académie de Grenoble dont on suivra l’évolution et les résultats à Marseille.

C’est vrai qu’en les voyant œuvrer autour de leur machine ultra moderne ces futurs imprimeurs, on se dit que Johannes Gutenberg, si loin d’imaginer de tels progrès, aurait vraiment de quoi être fier de tous ses dignes successeurs …

L’info en plus : « la passion et la fierté de son métier »

Dorothée BOUCHEND'HOMME, enseignante experte WoldSkills est membre du jury. C’est elle qui a rédigé les sujets nationaux d’imprimerie, elle nous explique sa démarche : 

« On essaye de construire des sujets qui reflètent les tâches que les élèves peuvent exécuter au quotidien en entreprise. On ne propose pas des choses trop simples avec certains pièges et quelques subtilités pour voir jusqu’oùles candidats sont capables de performer et révéler le meilleur d’entre eux, celui qui arrivera à ajuster au mieux sa machine pour proposer le plus joli produit à l’issue de la compétition. Un participant qui ne serait ni entraîné, ni préparé n’arriverait pas à résoudre les problématiques posées.

Si j’avais un conseil à donner au candidat ? C’est de beaucoup s’entraîner et ne pas compter ses heures. Cette compétition exige énormément de travail, de la motivation, de l’investissement, mais surtout avoir la passion et la fierté de son métier ».

 

Mise à jour : février 2025