« Ressources et vous », c’est sous cette thématique numérique inspirante que le centre de congrès et de séminaire de la capitale des Alpes allait vibrer toute la journée.
TNE, une histoire d’équipe !
Pour rappel, le TNE est un projet partenarial impliquant l’Académie de Grenoble, le département de l’Isère, le Réseau CANOPE, la banque des territoires, la Trousse à Projet et la ligue de l’enseignement de l’Isère. Tous concourent activement au déploiement du dispositif. Un TNE parfaitement résumé en un seul mot par Monsieur Patrice Gros lors du discours d’ouverture de ce séminaire : « collectif ». Monsieur le directeur académique de l’Isère reviendra ensuite sur la stratégie qui anime les TNE, celle d’articuler « quatre axes de travail que sont l’équipement des établissements scolaires, la mise à disposition de ressources éducatives, la formation des enseignants et la formation des familles à la parentalité numérique au sein des PAC, Programmes d’actions concertées à destination de l’ensemble du territoire ».
Et comme quelques chiffres parlent souvent plus que des mots, en voici quelques-uns pour mieux comprendre l’importance du TNE de l’Isère :
- 250 comme le nombre d’établissements à avoir bénéficié des TNE dans les premier et second degrés
- 258 000 élèves concernés, de la maternelle au lycée
- 6 PAC lancés dans le cadre d’appel à Manifestation d'Intérêt (AMI) où les établissements scolaires et les collectivités territoriales sont invités à coconstruire leur projet local.
Effets du numérique sur les élèves, que dit vraiment la science ?
C’est sous cet intitulé que se déroule le premier temps fort de cette journée, une conférence animée par Corentin Gonthier, professeur des universités en psychologie à Nantes. Le chercheur apporte un éclairage déculpabilisant sur les écrans, pour chaque parent et enseignant qui sommeille en nous. Des travaux qui ont l’avantage d’être « légitimés » par son épouse, professeur dans le secondaire, de quoi effectivement croiser les regards. La plaisanterie passée, Monsieur Gonthier évoque en préambule la « panique morale » qui accompagne tout changement d’époque, les écrans n’échappant pas à la règle, avec des gros titres « souvent excessifs ». Après avoir livré quelques « réflexes d’autodéfense de chercheur face aux études alarmistes » le professeur aborde le cœur de son intervention, les effets du numérique sur les jeunes. Où l’on est surpris de ce discours à contrecourant de la parole médiatique, en commençant par cette affirmation : « En réalité, il n’y a aucun déclin de l'intelligence en Occident, ni en France », et de source sûre car c’est l’objet des recherches menées par son équipe.
Où l’on apprend encore que l’écriture de SMS et la création de vidéos Tik Tok ont aussi des effets bénéfiques car « cela permet de produire de l'écrit et développer l’esprit créatif ». L’utilisation des jeux vidéo, avec parcimonie, aurait aussi un impact positif sur les élèves, à tel point que certains chercheurs proposeraient de les utiliser en guise de test d’intelligence. Des jeux qui permettent de développer « les capacités attentionnelles, la vitesse de traitement et l’orientation dans l’espace ». La télévision, elle non plus n’est pas cette ennemie jurée car les enfants « sont acteurs lorsqu’ils la regardent », tandis que les troubles neuro-développementaux n’auraient aucun rapport avec les écrans.
L’utilisation des réseaux sociaux est également à l’ordre du jour, en commençant par leurs bons côtés : « La socialisation en ligne n’est pas une simulation, elle prolonge les amitiés construites en classe, sans compter que les réseaux sociaux peuvent aussi maintenir le lien familial ». Corentin Gonthier contrebalance immédiatement avec les nombreuses dérives liées à ces outils : « La désinformation en ligne, le cyber harcèlement, la comparaison sociale, l’image des influenceuses et influenceurs qui entraînent des régimes pathologiques… »
Comme veut l’adage, le trop est l’ennemi du bien. Le discours n’est pas d’encourager ses enfants à consommer des écrans ou des jeux vidéo, le chercheur le rappelle : « Il existe des effets délétères liés à l'usage des écrans, probablement la myopie, la qualité du sommeil et la sédentarité avec un impact potentiel des écrans sur la réussite scolaire. »
Bref, l’usage raisonné des écrans est conseillé avec un effet qui dépend énormément du contenu, du contenant, et du contexte.
Le chercheur pose ensuite le constat qui fâche : « Les enfants d’aujourd'hui sont relativement stables sur le plan cognitif, alors, si le niveau baisse et que cela ne vient pas des élèves, c’est que c’est lié à nos pratiques éducatives. » La salle réagit quelque peu. Pas de quoi déstabiliser Corentin Gonthier qui aborde ensuite le numérique en contexte scolaire avec ce message : « Une utilisation inadaptée ou à outrance n’est pas forcément une bonne idée ». L’IA, évidemment, aura aussi droit à son chapitre, « une intelligence dont l’usage amène à se poser beaucoup de questions sur ce qu’on demande aux enfants et une réflexion doit être engagée sur l’accompagnement des jeunes vers ce nouvel outil. »
Le dernier temps d’intervention du chercheur est consacré à une liste non exhaustive d’exemples de bons usages du numérique en classe :
- Utiliser des supports numériques qui complètent le papier
- Donner accès à des manuels numériques avec contenus de cours enrichis
- Faciliter la coopération
- Proposer des contenus supplémentaires pour accompagner l'hétérogénéité
- S'entraîner en ligne avec des exercices autocorrigés
Quelques questions feront suite aux applaudissements nourris, avec une dernière en forme de boutade : « Est-ce que votre épouse corrobore vos conclusions ?
- Oui on les a écrites ensemble. J’ajoute qu’il n’y a aucune raison de penser que les jeunes d'aujourd'hui font moins d'efforts que les jeunes d'avant .»
Et pan aux idées reçues !
Ateliers, ressources et ressources libres !
Sitôt la conférence terminée, les participants rejoignaient les 37 stands en libre accès pour découvrir ces différentes ressources numériques, avec la volonté de donner du temps et de l’espace aux échanges entre celles et ceux qui créent les ressources et celles et ceux qui les mettent en œuvre dans les classes. Pour rappel, dans le cadre de TNE, 69 solutions numériques éducatives sont mises à disposition des écoles, collèges et lycées (accessibles gratuitement pour les établissements car payées par le TNE).
Un temps de restauration viendra entrecouper ces discussions pertinentes et riches qui seront suivies, en début d’après-midi, d’une déambulation libre au sein des stands.
L’après-midi se poursuit avec une intervention de Monsieur Alexis Kauffmann, professeur de mathématiques mais surtout chef de projet à la DNE, logiciels et ressources éducatives libres. Ses propos s’établissent autour de la projection de l’album « Ada & Zangemann », une ressource gratuite qui aborde l’informatique libre, la coopération et la place des filles pour une technique au service de l’autonomie. En effet, le développement du numérique éducatif doit rappeler l’importance des communs numériques, « ces ressources produites et entretenues collectivement par une communauté et gouvernée par des règles qui lui assurent son caractère collectif et partagé ».
Où l’on se familiarise avec Zangemann, cet inventeur riche, célèbre et puissant dont les ordinateurs contrôlent l’ensemble des produits, mais dont les plans sont contrariés par une jeune fille intrépide et curieuse, Ada. Entourée d’amis, elle bricole des objets informatisés qui échappent ainsi à la vigilance de Zangemann. Alexis Kauffmann invite alors les enseignants à s’approprier la BD à leur guise pour l’utiliser dans le contexte classe. Un temps de projection de l’œuvre où les illustrations sont animées viendra ponctuer cette intervention, avant que la journée ne soit restituée à l’aide d’un Sketchnote, histoire de graver sur le papier le déroulé de cette édition inspirante.
* Le sketchnoting, également connu sous le nom de prise de notes visuelle, est le processus créatif et graphique par lequel un individu peut noter ses pensées et les organiser à l'aide d'illustrations, de symboles, de structures et de textes. (source : Wikipédia)
Didier Martin, délégué académique à la pédagogie, Vincent Hernu, conseiller technique premier degré et Maxime Barilleau, chef de projet Territoires Numériques Éducatifs et Développement des compétences numériques, ont la charge de conclure ce séminaire. Les pédagogues soulignent, d’une seule voix, la pertinence de l’utilisation ciblée des outils numériques afin de mieux prendre en compte les besoins des élèves et de s’engager toujours plus loin dans le sens des pratiques efficaces et équitables.
Une jolie conclusion pour ce troisième opus du TNE en Isère. Le rendez-vous est pris l’an prochain pour écrire le chapitre suivant de cette belle aventure numérique…
Mise à jour : mars 2025