Questions - Réponses ! Julie Calamy, principale du collège François Mugnier // Pause numérique
Julie Calamy, principale du collège François Mugnier à Bons-en-Chablais, a fait le choix, en équipe, d’expérimenter la pause numérique au sein de son établissement.
Une piste intéressante afin que nos élèves « grandissent ensemble ».
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Julie Calamy, principale du collège François Mugnier à Bons-en-Chablais, a fait le choix d’expérimenter la pause numérique au sein de son établissement. Un dispositif qui se veut collectif, porté par l’équipe enseignante, les personnels, les parents et même … les élèves. Une piste intéressante pour faire que nos élèves « grandissent ensemble ».
Depuis 2018, l’utilisation des téléphones portables est interdite dans les collèges et à l’époque, c’est vrai que nous avions vu revivre les cours de récréation, les élèves se parlaient, jouaient ensemble. Nous constatons ces dernières années, que malgré cette interdiction, il est de plus en plus difficile pour certains de nos élèves de résister à la tentation. Certains se cachent dans les toilettes pour regarder une vidéo, jouer à leurs jeux vidéo ou voir ce que l’on peut dire d’eux sur les réseaux. Des élèves sont capables de verbaliser que finalement c’est plus fort qu’eux, et qu’ils n’arrivent pas à résister à la tentation. Ils savent que le téléphone est à leur portée, ils ne peuvent pas résister.
Dans notre idée, c’est de faire de la classe et de l’école un sanctuaire dans lequel on se préoccupe de sa scolarité, de ses cours et de ses relations sociales. Nous souhaitons vraiment montrer aux élèves que ce qu’il se passe sur les réseaux ou dans leur jeu vidéo peut attendre. Pour réussir à l’école, il faut avoir l’esprit libre et serein de toute préoccupation. Quand on envoie un message entre deux cours et qu’on se demande le cours suivant quelle en sera la réponse, on ne peut pas du tout se concentrer sur ce que dit le professeur. Nous espérons également démontrer aux enfants que lors de temps hors classe, face à l’ennui, par exemple lors de la pause méridienne, on peut faire autre chose que de regarder une vidéo. On peut jouer au ballon, on peut discuter avec des camarades, développer des compétences, finalement de communication, essentielles pour leur future vie d’adulte. Pour finir, l’idée est aussi de faire de l’école un espace de sérénité pour tous. Adultes comme élèves doivent pouvoir savoir qu’aucune photographie ou vidéo ne pourra être prise à leur insu.
Concrètement, il s'agit pour les élèves de déposer dans une mallette dédiée à chaque classe leur téléphone au premier cours de la journée et il leur sera rendu à la fin du dernier cours. Entre les deux, les mallettes sont dans une armoire et dans une salle sécurisée. Néanmoins la première consigne que nous avons donné aux familles est de conserver le téléphone à la maison s'il n'y a pas une nécessité de l'avoir avec soi lors d’activité du soir ou déplacement en train.
On remarque quand même sur ces dernières années, finalement, qu'on a moins de téléphones chez les plus jeunes, en 6e. Lors des actions de prévention, on remarque qu’il y a quand même un impact et que les parents prennent la mesure de l’objet et du danger téléphone. Donc ça c'est déjà une belle réussite sur ces dernières années, et on a remarqué également que des parents, par rapport à ce qu'on avait pu demander aux réunions de rentrée, jouent le jeu avec des téléphones qui restent à la maison.
Depuis 3 ans, dans le cadre du comité d'éducation à la santé à la citoyenneté de l'environnement, nous organisons tous les ans des actions de prévention en direction des parents et des élèves. Les thématiques abordées sont larges, tant sur les usages, les réseaux sociaux, l'hygiène de vie, l'impact des écrans sur l'hygiène de vie. L'idée est de reconnaître le téléphone comme un outil, mais comme pour tout outil, il y a des consignes de sécurité pour l’utiliser, afin qu'il ne se retourne pas contre soi. Donc c'est de sensibiliser, à la fois les enfants et les parents. Il est également important de sensibiliser les adultes, les parents et les personnels à certaines applications ou jeux vidéo qui sont extrêmement intrusifs dans la vie des jeunes et que tout le monde ne connaît pas ou dont tout le monde ne connaît pas le fonctionnement, finalement. Nous avons donc rencontré en cette rentrée tous nos élèves lors des journées d'accueil, nous leur avons présenté les objectifs de cette pause numérique et finalement les élèves en comprennent vraiment bien les enjeux. La seule grosse inquiétude pour nos élèves, c'est : vont-ils retrouver leur téléphone en entier le soir, où sont stockés les téléphones, sont-ils en grande sécurité ?
Alors on leur a montré la mallette qui est dédiée aux téléphones, avec de la mousse, sécurisée pour éviter que les téléphones ne soient abîmés. Par contre, on n'a pas communiqué le lieu de stockage, l'armoire et la pièce sécurisée, pour que personne ne soit tenté de rentrer dans cette pièce.
En effet. Comme je l'ai dit, par rapport au programme du CESCE, il y a un gros travail de sensibilisation qui a été réalisé depuis 3 ans. Et depuis 2 ans, dans l'établissement, nous faisons signer à chaque rentrée, aux parents et élèves, une charte concernant l'usage des téléphones dans l'établissement. Cette charte reprend finalement simplement les textes de loi officiels concernant les téléphones, mais insiste également sur le fait que le téléphone n'est pas une fourniture scolaire, que le collège est un lieu dans lequel les enfants n'ont pas besoin de lui, ne les utiliseront pas dans le cadre des apprentissages et qu’il n’y a pas ce besoin, que le téléphone peut rester à la maison. L'ensemble des équipes, les professeurs comme tous les personnels sont vraiment mobilisés pour faire appliquer à la lettre la consigne de « aucun téléphone ne doit être vu dans l'établissement ».
Finalement, tout le monde comprend le sens et les objectifs de cette pause numérique. Ce qui ressort vraiment des échanges, c’est l'idée d'un espace protégé, protégé des sollicitations, protégé des perturbations, protégé des conflits. Protéger nos élèves des sollicitations qui reçoivent vraiment sans cesse des notifications diverses, des réseaux, des jeux. Protéger les cours de toutes perturbations, des sonneries des messages qui sont envoyés, des notifications envoyées par les jeux et puis protéger les élèves et les adultes des photos intempestives.
C’est indispensable, dans le sens où on est vraiment sur l'idée de montrer collectivement aux enfants qu'on peut très bien vivre sans téléphone, qu’on ne le bannit pas, mais de montrer qu'il y a des temps dans la vie où on peut s'en passer. Nous avons vraiment une association de parents d'élèves qui est très soutenante sur ce projet et qui va dans le sens de cette démarche, et quand nous avons présenté l'idée de la pause numérique aux familles lors des réunions de rentrée, il y a vraiment eu un consensus de la part des adultes dans l'idée de protéger les enfants, et de finalement recréer un espace centré sur la vie réelle, le partage avec l'autre, dans la sérénité.
Alors non, parce que ce qu'on a évoqué avec les parents lors des réunions de rentrée, c'est l'idée de travailler ensemble. Nous avons vraiment demandé aux familles, que s'il n'y avait pas une nécessité d'avoir un téléphone parce qu’une activité le soir, type mon enfant va à la piscine tout seul, ou il prend le train tout seul, parce que garde partagée et cetera, et bien finalement le téléphone reste à la maison. Nous savons qu'il y a des situations familiales qui nécessitent que l'enfant possède un téléphone le soir, mais pour tous les autres, la grande majorité des autres, et bien le téléphone reste au salon. C'est un principe auquel les familles, finalement, adhèrent massivement.
Alors oui vraiment, l'objectif c'est de pouvoir leur démontrer qu'ils peuvent très bien vivre 9h par jour sans téléphone, qu'ils peuvent communiquer autrement, leur développer des compétences sociales pour grandir sereinement et puis dans un collectif. Puis l'idée c'est aussi vraiment d'aller vers l'autonomie et l'organisation, apprendre à patienter, s'organiser en se donnant des rendez-vous, échanger avec ses parents sur la journée de demain, à quelle heure tu termines, à quelle heure tu vas prendre le bus ? Et puis s'organiser également avec ses camarades, finalement, échanger dans la vraie vie.
Clairement, il y a quelque chose que nous n'avions pas envisagé, enfin on l'avait traité, mais pas parmi nos objectifs majeurs, et c'est finalement ce qui est ressorti des échanges avec les élèves lors des journées de rentrée : la possibilité d'être pris en photo à leur insu dans la cour, dans des postures qu'ils ne valident pas, dans les vestiaires, c'est quelque chose qui est très anxiogène chez nos élèves, et finalement un grand nombre de jeunes nous a fait part, le mot est vraiment là, de soulagement à l'idée qu'on pouvait être à l'école, naturellement sans s'inquiéter des images qu'on peut renvoyer à un moment ou un autre et de ce que les autres pourraient en faire.
Effectivement, sur certaines choses, oui, c'est vraiment ce qui est ressorti des élèves, c'est cette idée de dire : je suis dans un espace où je peux vivre ma vie sans m'inquiéter finalement des conséquences.
Je dirais "ensemble".
Non, ensemble dans l'idée que tous les adultes, toute l'équipe, que ce soit les enseignants, les personnels, les parents, et bien on travaille ensemble sur cette idée, et puis pour finalement que nos élèves grandissent ensemble, dans la vraie vie.
Peut-être que, pour les moins de 15 ans, un téléphone ancienne génération comme nous avons pu connaître, qui permet de passer des appels et d'envoyer des SMS, c'est bien suffisant ? Et que le smartphone peut attendre
Je dirais justement que ce sont ces grandes conversations avec les amis dans la cour de récré, les grands éclats de rire collectifs, les échanges avec les autres, tous ensemble, voilà, je pense que ce sont mes meilleurs souvenirs de l'école.
"Questions-Réponses", une série de podcasts de l'académie de Grenoble qui mettent en lumière les métiers des Hommes et Femmes de l'académie à travers des interviews courtes et inspirantes.
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Mise à jour : septembre 2024