Questions - Réponses ! Didier LORENTE, référent Lutte contre le harcèlement de l'Isère

Didier LORENTE, référent Lutte contre le harcèlement de l'Isère et Principal du collège Aimé Césaire de Grenoble nous parle de sa mission avec passion.

Alors oui, je suis un des référents départementaux sur le harcèlement, et oui, c'était important. On sent une réalité, une réalité de terrain. J'avais envie de m'engager pour essayer de donner un coup de main à des élèves qui ne vont pas bien, mais de travailler aussi avec des collègues, non pas en conseil, mais plus en échange, pour essayer d'être solidaire aussi. Bien évidemment on est concernés aussi dans nos établissements. Ce que je vois, ou ce que j'essaie de faire dans l'établissement, je souhaite le partager aussi, ça a été le sens de mon engagement Il y a 3 ans maintenant.

Je voulais dire aussi qu'on est une équipe au niveau départemental, et l'idée, c'est de travailler en équipe. Jusqu'à présent c'est un travail qui se fait en collaboration avec des collègues qui partagent aussi des mêmes réalités. On s'épaule les uns les autres, on essaie de trouver comment on peut être efficace pour accompagner les situations auxquelles on est confrontés, ou pour lesquelles on nous sollicite.

 

Alors clairement, on se voit régulièrement. Il y a une politique nationale, une politique académique de lutte contre ces violences en groupe. On est en lien, en lien dans des actions de formation, en lien très fort aussi sur la mise en place de pHARe dans les établissements à la rentrée dernière, même si l'année précédente on avait déjà évoqué bien évidemment le programme. On est en lien encore régulièrement, puisque la semaine dernière, on était en coordination, nous dans l'Isère, avec les référents académiques, pour essayer de voir comment on peut agir de la manière la plus efficace possible.

C'est très compliqué. On essaie de prendre du temps quand on est sollicité. Moi, en tant que référent départemental, je reçois des situations, où des personnes ont appelé le 3020 ou le 3018, et je suis en charge de rappeler les familles pour comprendre la situation et de  voir avec les collègues en établissement comment la situation est prise en charge. On essaie de faire concorder à la fois le besoin de la famille et ce qui est fait en établissement pour dire, et c'est vraiment souvent le cas, que le travail est engagé, le suivi est en place, la vigilance est souvent bien présente. On a besoin aussi de rassurer des familles, donc, le temps, effectivement… c’est très chronophage, quand on appelle une famille, cela ne peut pas se limiter à quelques minutes. Souvent ça prend presque une heure pour comprendre tout ce qui se passe et accueillir toute cette tension, cette souffrance aussi. On essaie donc d'être à l'écoute, dans une écoute vraiment active des besoins de la famille pour essayer de trouver ensemble des solutions, et puis s'adresser ensuite à l'établissement.

Deux référents départementaux ont été recrutés, des collègues nous ont rejoints aussi dans cette mission de référents sur l'Isère, et je crois que c'est le cas dans tous les départements de l'académie, l’effectif se renforce.

Oui, notre institution s’organise aussi, s'équipe. Elle rend les choses plus efficientes avec des gens dont c'est la mission principale. Ils vont être en support de notre mission, où on était plus dans de l’entraide. Je pense qu'on aura peut-être une efficacité plus grande de coordination et d'organisation avec les personnes qui sont recrutées actuellement.

Alors moi j'ai envie de quand même rappeler notre mission éducative sur la place de chacun et auprès des enfants. Ils font des erreurs parfois dans des phénomènes de groupe qui sont des phénomènes complexes. Alors bien sûr, s'il y a une violence dans un établissement scolaire, il y a un règlement intérieur qui s'applique. Les faits de violence sont répréhensibles et les passages à l'acte interdits, donc toutes les mesures de punition sanction disciplinaire dans les établissements sont en place dans des choses qui sont caractérisées et avérées.

Mais on est aussi sur tout un travail éducatif qu'on doit mener avec des élèves en formation, des élèves jeunes, qui parfois n'ont pas d'intention, parfois ont des agissements non conformes par rapport à eux-mêmes, des problématiques qu’ils rencontrent dans ces phénomènes de groupe, et on essaie de travailler vraiment sur la prise de conscience, avec des méthodes qui sont testées et semblent efficaces, que l’on met en place aussi. Je pense notamment à la méthode de préoccupation partagée, que l'on voit pour essayer de casser ces phénomènes de groupe et de travailler la prise de conscience individuelle pour améliorer les situations. On a des formations en ce sens et nous essayons de nous organiser pour être efficaces. Même si j'ai un rôle départemental et un rôle aussi dans l'établissement, je ne suis à l'abri de rien et j'ai des situations de harcèlement qui existent dans l'établissement. C'est en équipe qu'on essaie de répondre.

On a eu une formation récente avec les référents académiques, et puis ce sont des éléments qu'on a lus aussi, avec des choses qui ont été expérimentées en France. Les entretiens sont des entretiens de sensibilisation, on est préoccupés par une situation, on va recevoir tous les protagonistes dans les mécanismes de harcèlement. Il y a bien sûr l'enfant qui est cible, victime, l'enfant qui va intimider, ou des enfants qui vont intimider, donc les intimidateurs ou les auteurs de harcèlement, et on va avoir aussi des témoins qui sont soit actifs, soit passifs, on voit donc que la situation est complexe. On va agir en méthode de préoccupation partagée, par des entretiens très brefs, avec de la méthodologie, pour essayer de travailler la prise de conscience. L’objectif est de casser l'effet de groupe, parce qu'on sait que ce sont des violences de groupe. On a donc besoin d'aller chercher une responsabilité un peu individuelle, ou une prise de conscience individuelle, avec des enfants jeunes qui ont besoin d'être accompagnés, je pense que ça peut être efficace. La méthode, les entretiens, ont un objectif très clair, que ça s'arrête rapidement. On se donne 2 semaines et on se dit en 2 semaines, il faut que ce soit efficace. On essaie de s'appuyer sur le collectif, c'est pour cela que les équipes protectrices dans les établissements , c'est intéressant parce que si on est nombreux, on va se répartir les tâches : qui interroge la victime, qui interroge l'enfant cible, qui va interroger l'intimidateur ou les témoins ?

Avec l’enfant cible, celui qui est dans la souffrance, l'entretien sera beaucoup plus étayant, fort. On lui apporte tout le soutien, on va essayer de le rassurer, lui dire qu'on le prend en charge et essayer de lui faire du bien. On va pouvoir déceler s'il y a des difficultés dans la transmission à sa famille, des choses fortes, inquiétantes et on va voir le relais de la famille pour qu'il y ait une prise en charge peut-être autre… médicale, de soins, de suivi psychologique etc.. C’est donc un entretien fort dans l’idée de protection.

Avec les intimidateurs on va poser deux questions : « Voilà je suis préoccupé par la situation, qu'est-ce que tu peux m'en dire ? » et la deuxième : « Qu'est-ce que toi tu proposes de faire ? » Donc on responsabilise, on travaille la prise de conscience et on fait pareil avec les témoins. On se dit que ça doit cesser, donc on va avoir des actions répétées dans une semaine avec des entretiens qui vont durer quelques minutes mais c'est vraiment très bref, ce n'est pas la peine d'épiloguer, et par contre on va mesurer l'efficacité en lien avec l'enfant cible, on va mesurer si les choses s'améliorent ou pas, et toujours en lien avec les familles aussi, pour essayer de sortir des situations.

Moi je le pense, on est vraiment dans quelque chose d'organisé, qui a été testé dans différentes académies et qui fonctionne.  Conformément aux demandes ministérielles, on a intégré ce programme. Donc l'année dernière, sur le collège Aimé Césaire, l'équipe protectrice a été constituée. Nous sommes neuf personnes multi-catégorielles, avec l'équipe médico-sociale bien évidemment, l'équipe de direction, notre vie scolaire, mais on a aussi un AED, et on a aussi des professeurs qui ont envie de s'engager. On a eu une démarche un petit peu originale, où on s'est associés avec un collège voisin, Fantin Latour, et on a travaillé toutes les formations adultes et élèves ensemble. On a aussi formé ensemble des élèves ambassadeurs l'année dernière, donc le programme pHARe se met en place. On est dans ce programme, on essaie d'être le plus efficace possible en étant le plus nombreux possible sur le repérage des signaux faibles, sur une veille dans les établissements aussi pour qu'on puisse repérer les choses, organiser un traitement efficace, et puis, bien évidemment, tout le travail de prévention qu'on doit avoir dans les établissements pour sensibiliser l'ensemble de la communauté à ces phénomènes, en associant les enfants, bien sûr, et leur famille, et puis des partenaires qui peuvent nous aider aussi dans ce travail.

3018 est une plateforme qui permet aux élèves mais aussi à des personnes quelles qu'elles soient de signaler des faits quand on les constate. On travaille en lien avec ce numéro puisqu’après, par département, on est sollicité. On a des fiches de signalement sur la plateforme pour chaque situation, et ensuite on fait le lien, bien évidemment, avec nos collègues dans les établissements et avec les familles.

D’une manière assez claire, dans nos échanges entre personnes qui s'occupent du sujet, on le voit bien, il n’y a pas une situation de harcèlement qui n'est pas prolongée par du cyber-harcèlement. Donc on est dans quelques chose de sociétal.  Nous même les adultes avec nos téléphones… les élèves sont nés avec cette technologie, avec tout ce que ça apporte de bien et puis tout ce qui peut être très compliqué à gérer dans ces phénomènes de violence, où il y a une résonance forte par l'usage des réseaux sociaux. Donc il faut avoir une vigilance particulière aussi. En établissement, on traite de phénomènes qui ont lieu sur les réseaux sociaux, on pourrait se dire ce n’est pas du ressort du collège, mais bien évidemment cela a un impact sur nos élèves, donc on est en lien avec les enfants, leurs familles pour essayer de réguler tout ça. Sur ce sujet-là on rappelle aussi l'obligation parentale par rapport à la présence sur les réseaux sociaux, avec une législation qui existe aussi, et des conseils de prudence d'accompagner les enfants dans leur utilisation sur ces phénomènes de violence.

Je crois que c'est vraiment un temps fort, et il y en a plusieurs. Des actions sont menées au niveau national pour sensibiliser à ce fléau. Nous, dans l'établissement, on a formé des élèves ambassadeurs à qui on a confié une responsabilité en disant : « est-ce que vous avez envie de faire des choses ? » et là on a des pistes. Il y a des enfants qui ont envie de faire un débat sur des temps de récréation, parlant du sujet et échangeant avec leurs paires. Je pense que l'association d'élèves aussi dans l'établissement a une responsabilisation collective élève-famille, ce sont peut-être des clés pour améliorer la situation. Et puis on a reçu à la rentrée un jeu de l’oie sur la prévention du harcèlement, sur tout ce qui est harcèlement sexiste aussi, sexuel, homophobe, avec un partenaire qui nous aide, et ce jeu-là, j'ai envie de jouer avec nos élèves ambassadeurs. C'est ce qu'on a prévu de faire dans l'établissement pour qu’eux puissent animer des séances dans les classes, au foyer, au Conseil de la Vie collégienne, ou dans des moments d'études, ou entre élèves. C'est important d'en parler pour prévenir les phénomènes, voilà un petit peu nos idées dans l'établissement.

Oui c'est une fierté, ils sont la future société. On est vraiment dans les missions de l'école, avec la défense des valeurs et celles que l'on porte, partout dans les établissements scolaires. C’est aussi très fort chez nous, il y a cette question aussi de la diversité, la richesse de la diversité, ce climat scolaire qui est au centre de nos préoccupations pour avoir des apprentissages qui soient le plus propice au développement des enfants, dans un contexte qui est très compliqué sur le plan national et international. On essaie de s'engager tous les jours, et c'est le sens de notre action ici au collège, chacun dans nos missions. Nos professeurs, nos différents personnels s 'engagent dans l'établissement pour accompagner ces élèves et espérer un monde meilleur, et c'est bien l'enjeu.

Clairement, la question du climat scolaire dans tous les établissements est complexe, mais on y travaille avec force. Tout le monde est très concerné, mais on reste modeste, malgré tout ce qu'on fait, on est à l'abri de rien. On peut mettre en place des actions dans un établissement, mais ça ne veut pas dire, même si on est assez attentifs et concernés, que les choses ne se passent pas. Non les choses se passent, parce que l’on est aussi le reflet d'une société, mais on essaie d'accompagner nos élèves.

On sent vraiment une forte implication. On est concerné bien évidemment, un enfant qui souffre, que ce soit du harcèlement ou pas du harcèlement, un enfant qui souffre, c'est notre travail et notre devoir de lui apporter un soutien, en lien avec les familles bien évidemment, parce que les choses doivent se faire en collaboration, c'est comme ça qu'on peut être le plus efficace. Concernant des enfants qui se montreraient auteurs de ces phénomènes, il faut essayer de travailler avec eux aussi parce que souvent, ce sont des enfants qui ne vont pas bien non plus, et nous on est dans ce travail éducatif de dire : « on essaie de faire un travail de compréhension de ce que tu as fait» et espérer avoir des élèves qui puissent agir autrement, agir en solidarité, et agir dans des choses positives, ce qu'on essaie de créer aussi dans l'établissement. Non au harcèlement, oui, mais on aime bien aussi peut-être prendre les choses d'une manière positive, et qu'est-ce qu'on pourrait faire de manière positive, plutôt que dire "non" ou "lutter"? C'est peut-être de dire :"faire une journée de la courtoisie, faire une journée de la gentillesse… " Il y a des idées comme ça aussi au collège ou ailleurs, je sais qu’il y a plein de collègues avec leurs équipes et leurs jeunes qui travaillent aussi en ce sens.

Peut-être le lien dans le premier degré avec les instituteurs, les projets, des choses très sympas… une classe de mer que j'ai vécue qui reste marquée, où je faisais des bêtises sur un optimiste, à Sète, et je suis tombé à l'eau. Voilà un petit souvenir, et je dois dire que l'école m’a aussi apporté beaucoup. Peut-être qu'aujourd'hui, l'engagement dans l'école vient aussi de ces moments-là. Et ces rencontres avec les collègues aussi dans la classe, dans un quartier populaire avec des enfants qui arrivaient en France. J’ai ces souvenirs-là de travail sur cette richesse de la diversité.

Mise à jour : novembre 2023