Questions - Réponses ! Caroline Fourniol et Régis Vivier, référents Lutte contre le harcèlement

Dans le cadre de la journée de lutte contre le harcèlement (jeudi 10 novembre), nous avons donné la parole à Caroline Fourniol et Régis Vivier, référents Lutte contre le harcèlement scolaire et cyberharcèlement.

Dans le cadre de la journée de lutte contre le harcèlement (jeudi 10 novembre), nous avons donné la parole à Caroline Fourniol et Régis Vivier, référents Lutte contre le harcèlement scolaire et cyberharcèlement.

 

Régis Vivier : C’est une tâche confiée par Madame la rectrice de l’académie de Grenoble avec une double casquette, la première en tant que conseil auprès de Madame la rectrice, et la seconde en tant qu’acteur avec les établissements, les personnels des établissements et les élèves.

Nous portons un regard à la fois transversal, de proximité et périphérique, puisqu’en tant que référent académique, toutes les situations nous sont transmises. À partir de ces situations, nous pouvons établir des process et des liens avec les différents acteurs, de manière à agir le plus efficacement, afin qu’aucun élève et aucun personnel ne souffre.

Caroline Fourniol : Dans l’académie de Grenoble, ce sujet est au travail depuis plus de douze ans, et étudié par des formateurs académiques qui se sont investis. Nous avons le plaisir de reprendre un travail de longue haleine et de le corréler avec les préconisations du ministère sur le programme pHARe, prévention du harcèlement scolaire.

Régis Vivier : (Sourire) Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, dans nos fonctions respectives, que ce soit Caroline Fourniol en tant que proviseur scolaire ou moi en tant qu’inspecteur, nous sommes en lien permanent avec les acteurs de l’école. À la fois par nos missions respectives, nos expériences, nos parcours, Madame la rectrice a considéré que nous avions un regard et un attachement à cette cause, ce qui est le cas (confirmation de Caroline Fourniol). Je pense que c’est avant tout une histoire de confiance. Je veux aussi préciser que d’autres collègues dans l’académie pourraient s’occuper et traiter de ce sujet important. On peut dire que Caroline Fourniol et moi-même sommes attachés à ce soin à apporter au sein de l’école. 

Régis Vivier : Oui, un problème qui prend de l’envergure depuis quelques années et qui modifie la vie de l’élève, ce que l’on appelle la vie scolaire. L’arrivée des réseaux sociaux avec cette génération d’élève, réseaux sociaux qui ont également beaucoup de vertus, prolonge néanmoins le temps de vie de l’élève en dehors de l’école. Pour donner un exemple, avant, un évènement qui avait lieu au sein de l’école trouvait généralement une solution avant la fin de la journée, grâce à une coopération entre l’équipe éducative, de direction et les parents. Et globalement on en restait là. Maintenant, les médias, les réseaux sociaux font que désormais un évènement, notamment dans le cadre du harcèlement, peut prendre des proportions en dehors du temps scolaire, le soir, à la maison. Quand les élèves reviennent le lendemain matin, nous avons parfois à faire à des situations qui se sont quelque peu envenimées et empirées.

Le cyber harcèlement est aussi une dérive de la société avec des jeunes parfois interpellés de manière sournoise, et si on ne fait pas attention, si on ne les prévient pas, si on ne fait pas une éducation à… ils peuvent très facilement se laisser embarquer dans des histoires compliquées.

En 2022, la place du cyber harcèlement est forte, nous sommes attachés à ne pas diaboliser les outils, mais à la fois à protéger les élèves, cela passe notamment par une éducation aux médias et à l’information, qui désormais est inscrite dans les programmes.

Caroline Fourniol : C’est une question très importante car le repérage de ces signes, que ce soient des signaux faibles ou explicites permettent de traiter au plus rapidement la problématique du harcèlement qui advient. Ce n’est pas une question simple car il y autant de signes différents que de situations différentes que de profils d’élèves différents. Dans nos formations, nous alertons beaucoup les professionnels de l’éducation (professeurs, personnels de vie scolaire, AED, conseillers principaux d’éducation, direction, ATSEM) sur un comportement qui se modifie de la part de l’enfant. On peut avoir un comportement de type décrochage scolaire qui prend quelque temps pour se diagnostiquer, ou encore être face à un élève en situation de mal être qui le dit ou qui ne le dit pas. Cela demande à la fois une observation et une écoute attentives des élèves et puis aussi un relais par les pairs. On le sait, dans la problématique du harcèlement, les élèves jouent ces relations délicates et difficiles dans leurs liaison interpersonnelles, parfois pendant un cours, aux interclasses ou en récréation et cela peut passer inaperçu auprès des adultes. D’où l’importance du relais par les élèves et cette notion d’ambassadeur « non au harcèlement » présente dans le programme pHARe.

Cette question des signes d’alerte est également en lien avec le climat scolaire et la qualité de confiance des enfants envers les adultes qui les accueillent en établissement scolaire. Cette confiance pourra aider l’enfant à ne pas rester isolé en cas de harcèlement, c’est important de ne pas être seul dans pareille situation.

Régis Vivier : Oui cela concerne aussi les adultes. Via nos fonctions respectives, nous travaillons en proximité avec le personnel des établissements mais aussi avec les responsables académiques, notamment la direction des ressources humaines, pour accompagner l’ensemble des personnels, les soutenir et leur proposer des solutions. Avec la RH nous travaillons donc en équipe pour la prise en compte de chacune des situations qu’un adulte pourrait avoir à faire face dans le cadre de son travail.

Malheureusement le harcèlement a toujours existé, que ce soit pour les enfants ou les adultes, mais la différence par rapport à avant est que la société a évolué. Néanmoins, il y a du positif car désormais on signale beaucoup plus, sans parler également d’une médiatisation plus importante. Ce qui a contrario laisse à penser qu’il y a plus de cas de harcèlement. Il y a des cas certes, mais il y a eu un effort depuis quelques années, un attachement particulier et des relations fortes qui se sont créées entre référents académiques, cadres administratifs, RH, directeurs académiques et le cabinet de Madame la rectrice qui fait que désormais nous avons une prise en charge plus ciblée, plus efficace, tant au niveau des élèves qu’au niveau des adultes. Bien évidemment, comme dans toute institution, tout travail ou comme dans la vie, un adulte peut se retrouver en difficulté et cela peut être dû à du harcèlement. À nous d’être vigilant. Cet œil attentif doit porter sur toute la communauté scolaire, les enfants comme les adultes. Cela pourrait paraître moins évident pour les adultes car nous sommes tous au service de nos élèves, mais attention de ne pas passer à côté, effectivement, d’un adulte en souffrance.

Caroline Fourniol : Pour compléter les propos de Régis Vivier, notre ministre Monsieur Pap Ndiaye vient de nous le rappeler, un élève qui apprend bien à l’école est un élève qui va bien, et pour qu’un élève aille bien, il est entouré de professionnels qui vont bien. Nous sommes dans une situation post crise où les équipes ont beaucoup donné et donc les relations de travail ont été fragilisées. Il faut faire attention à ne pas personnaliser la question du harcèlement qui se traduit parfois par des conflits entre professionnels mais prendre du recul sur la question de ces conflits car ils font partie de la vie au travail. Il est question d’aborder le traitement des situations et le soin à apporter par la régulation des collectifs de travail et d’interroger ce qui se joue dans le travail, qui n’est pas que de l’ordre de l’individuel mais qui fait aussi partie des process de travail, ce sujet est vraiment important et avons à cœur de le développer.

Régis Vivier : Alors, j’ai beaucoup de souvenirs à l’école, des bons et des moins bons, même si j’en garde surtout des bons. C’est un souvenir lié à une période de ma vie d’écolier où j’ai été confronté à la maladie, et cela m’a rendu un peu moins en confiance, avec d’autres soucis dans la tête. Au moment d’un changement d’école, d’établissement même car j’étais un peu plus âgé, je n’oublierai jamais l’accueil qui m’a été réservé dans mon nouvel établissement. Je l’ai toujours gardé en tête, et quand j’ai été amené à travailler dans les classes, la vie scolaire et quand j’ai pris des fonctions d’encadrement plus tard, je me suis toujours rappelé de ces enseignants et d’une CPE en particulier qui m’a accueilli le jour de mon arrivée, après ce passage un peu difficile. Ce moment a été déterminant pour moi sur la confiance. Il est resté gravé pour moi à vie, et je pense qu’il a compté dans le métier que j’ai plus embrassé quelques années après, et finalement passé ma vie au sein de l’école.

Caroline Fourniol : Ce qui me vient spontanément en écoutant mon collègue, c’est ce qu’il se passe après quelques semaines d’école quand mon professeur me reconnaît et m’appelle par mon prénom. Il commence à comprendre qui je suis, et là j’ai le sentiment d’exister en tant que personne, de pouvoir me détacher d’une forme de stress et d’inquiétude. Je peux alors m’installer dans l’espace classe avec mes camarades et avoir le sentiment de commencer à exister.  

Mise à jour : novembre 2023